lundi 21 décembre 2015

LA SYRIE ?   L'ODEUR DU PÉTROLE !


Le conflit en Syrie représente à la fois un enjeu géostratégique et financier considérable, si je ne craignais de faire un mauvais jeu de mot j'ajouterais égostratégique & égopolitique ou égos des postures en présence. Le conflit semble "juteux" pour les pays exportateurs d'armes. Pour l'année 2013, la France a vendu pour 40% d'armement au Moyen-Orient, dont 28% à l'Arabie saoudite qui s'apprête à acheter quatre frégates aux États-Unis pour un montant de 11 milliards de dollars. L'Arabie saoudite est devenu le premier importateur d'armes : missiles, fusils d'assaut, Tornado, etc. L'Egypte s'est portée acquéreuse des deux BPC non livrés aux Russes (Moscou s'est engagé pour sa part à livrer à l’Egypte des hélicoptères et de l’équipement aux normes russes pour ces bâtiments pour un montant d'un milliard de dollars) et de 24 "Rafale". Le Qatar a passé lui aussi commande de 24 avions "Rafale" tandis que le Koweït a paraphé un accord portant sur la livraison de véhicules militaires, 24 hélicoptères "Caracal", et un programme de modernisation et de ses patrouilleurs P37. Un quart des officiers de la Marine koweïtienne et tous ses plongeurs sont formés par la Marine Nationale. Il est courant de voir des Saoudiens, des Koweïtiens et des Qataris suivre la même formation maritime.

En 1990, Saddam Hussein envahissait le Koweït, ce qui allait permettre aux USA de reprendre pied au Moyen-orient après l'échec de Téhéran. Peu de temps après l'invasion du Koweït (août 1990), l'Irak fut soumis à un embargo drastique de 1996 à 2003. Afin d'atténuer les conditions de vie difficile de la population, l'ONU adoptait le 14 avril 1995 une résolution permettant à l'Irak de vendre du pétrole en contre-partie de la nourriture et des médicaments. Ce programme autorisait Bagdad à vendre 500 000 barils de brut chaque semestre, soit une somme équivalente à 2 milliards de dollars. Le "fruit" de toutes ces transactions étaient placées sur un compte séquestre ouvert à la BNP de New York et sous la supervision de l'ONU. La ventilation des sommes récoltées prévoyait que sur chaque milliard de dollars de pétrole vendu : 300 millions seraient alloués aux victimes de la guerre du Golfe, 25 millions à couvrir les coûts du désarmement de l'Irak et 150 millions à l'aide des populations kurdes du nord de l'Irak. ce programme donna lieu à un vaste système de corruption impliquant près de 4 000 entreprises et le gouvernement de Saddam. Le système de rétro-commissions et de sur-facturations mis en place pouvait atteindre jusqu'à 30% des ventes de brut et 10 % de commission sur le volet humanitaire. Ces sommes étaient transférées vers des comptes offshore avant d'être rapatriées en "cash" et déposé à la banque centrale irakienne. Concomitant, le Raïs délivrait des bons de pétrole à des personnalités influentes dans l'activité de lobbying actives sur la levée des sanctions frappant son pays. Au mois de mars 2003, le programme était suspendu. La réserve fédérale traquait les dix milliards détournés dont 270 personnalités représentant 66 nationalités, auraient bénéficié.

Après l'implosion de l'URSS, les États-Unis devenus la seule superpuissance, vont rallier une coalition forte d'une trentaine de pays, de s'abattre sur l'Irak. Un volet souvent passé sous silence, Saddam Hussein avait été imprudent en annonçant qu'il souhaitait, dans le futur être payé non plus en dollars, mais en euros ! et les États du Golfe de vouloir constituer une monnaie unique! Imaginez le pavé dans la marre... La monnaie d'échange de l'or noir reste le dollar, quand cette devise se "rétracte", les revenus des pays producteurs sont "baissiers". Ces États et monarchies comptent probablement sur le pétrodollar pour honorer leurs commandes, et c'est là que le bât blesse. La crise pétrolière a déjà entrainé pour le Koweït un manque à gagner de 23 milliards de dollars, et le Bahreïn table sur un déficit de près de 4 milliards d’euros pour 2015. Certains États en seraient à repousser les échéances échues et ils envisageraient de renoncer à de grands travaux dans le secteur du BTP avant de procéder à des coupes dans les bénéfices accordés à leur population. Il faut savoir qu'une partie importante de la manne pétrolière a permis de financer la protection sociale, de dispenser les émiratis de travail. Sur 5 millions d'actifs, 3 millions sont des fonctionnaires et la main d'œuvre est majoritairement d'origine étrangère.

Cette monarchie qui se veut le phare de la religion musulmane n'hésite pas à en prendre à ses aises en privé. Le 26 octobre 2015, les douanier de l'aéroport de Beyrouth ont interpellé un prince saoudien alors qu'il s'appretait a embarquer dans un jet privé à destination de Ryad, dans lequel ont été découvert une quarantaine de bagages contenant deux tonnes de Captagon (amphétamine) et de la cocaïne. Le 26 octobre 2015, les douanier de l'aéroport de Beyrouth ont interpellé un prince saoudien alors qu'il s'appretait a embarquer dans un jet privé à destination de Ryad, dans lequel ont été découvert une quarantaine de bagages contenant deux tonnes de Captagon (amphétamine) et de la cocaïne. Autre exemple en date, trois employées en charge de la villa du prince Majed ben Abdoullah ben Abdoulaziz Al Saoud sise à Beverly Hills ont déclaré lors de leur audition par la police californienne, que le prince se livrait à des acte de sadisme sur ses employées, sniffait de la cocaïne, s'alcoolisait à outrance, qu'il s'entourait de prostitués pour satisfaire son appétit sexuel et qu'il aurait des relations homosexuelles avec certains de ses collaborateurs. Inutile de rappeler que de telles pratiques en Arabie sont passibles de peine de prison, de plusieurs centaines de coups de fouet, dans certains cas la décapitation en place publique.

Le Koweït s'est déclaré en "état de guerre" au mois de juin 2015 après l'attaque d'une mosquée chiite par l'État islamique, mais il se doit comme les autres États riverains de la péninsule, de protéger sa façade maritime. Et pour cause ! La plupart des infrastructures pétrolières situées sur le côté oriental de celles-ci se trouvent majoritairement peuplées de Chiites... Quant aux exportations, elles dépendent de la libre circulation des navires pétroliers qui empruntent le Canal de Suez (Égypte, Soudan, Éthiopie, Somalie, Yémen ) ou le détroit d'Ormuz (l'Iran, Oman, les Émirats Arabes unis, l'Arabie saoudite). La fermeture du Canal de 1967 à 1973 suite à sa nationalisation par l'Égypte, et l'intervention israélo-franco-britanique, a révélé l'appétit pantagruélique des deux grands pour cette partie du monde.

L'Arabie saoudite est le principal exportateur de pétrole du monde. En dix-huit mois, le prix du baril de brut a été divisé par deux, passant de 105 dollars à moins de 47 dollars mi-septembre 2015. La responsabilité n'en incombe pas seulement à l'Arabie Saoudite qui a cassé les prix, mais en raison aussi d'une offre excédentaire, d'un dollar fort, et des compagnies qui achètent plus de brut à l'Arabie Saoudite qu'à la Russie pour approvisionner leurs raffineries d’Europe. Le pétrole russe en provenance de l’Oural est passé à une cinquantaine de dollars par baril, soit un cours supérieur de quelques dollars au cours de l'OPEP. Du coup, le pétrole de la mer Caspienne (d'où la flotte russe a tiré des missiles sur les positions des rebelles syriens) et celui de l'Asie Centrale qui a été jusqu'alors peu exploité, s'immisce au cœur des débats.

Suite aux modifications territoriales intervenues en 1991, l’URSS et l’Iran ne sont plus les seuls États détenteurs de cette zone : l’Azerbaïdjan - le Kazakhstan - le Turkménistan sont venus s'y greffer et ce sont cinq pays limitrophes qui doivent s'en partager les richesses. Cette étendue d'eau soulève aussi un autre problème de droit international, s'agit-il d'une mer ou d'un lac ? Le traité soviéto-iranien de 1921 permettait l'exploitation des ressources à égalité entre l'URSS et l'Iran, conventions confirmées par le traité soviéto-iranien de 1940 faisant de la Caspienne "une mer soviétique et iranienne". Cette épineuse question n'a pas seulement une répercussion sur l'extraction, elle en a aussi une sur sur l’acheminement des hydrocarbures par des sea-lines (sur le fond) et pipes-lines (terrestres). Cette région posséderait 4 % des réserves mondiales de pétrole et environ 8 % des réserves de gaz, ressources qui la situe derrière la Russie et le Golfe persique et juste devant la mer du Nord. Les réserves de la mer Caspienne pourraient contribuer à répondre à la croissance des besoins mondiaux en énergie dans les dix ans à venir! L'Arabie saoudite a la ferme intention de reconquérir des parts de marché en Europe, allant va jusqu'à démarcher des pays d'Europe centrale, de se positionner en concurrent direct du pétrole russe qui représente près de 60% des exportations à destination de l’Europe. Avant le choc pétrolier des années 1970 ,l’Arabie saoudite exportait 50% de sa production en Europe contre seulement 6% aujourd'hui. 

Autre grand bénéficiaire du pétrole? Daesh et consorts. D'après les services de renseignement irakiens, l'État islamique serait en mesure de produire près de 30 000 barils de brut/ jour. Lors de ses avancées en Syrie et en Irak, l'EI a réussi a prendre le contrôle d'installations pétrolières dont la revente de brut entre 10 et 35 dollars le baril lui assure 40 millions / mois! Cette somme permet de verser à sa soldatesque une solde de 500 dollars mois, et d'acquérir de l'armement, des véhicules, du matériel de communication. Ce trafic leur aurait déjà rapporté plusieurs dizaines de milliards de dollars, et il ne saurait s'agir de la seule ligne comptable, dès qu'ils s'abattent sur une région, ils en pillent les banques, se livrent à la traite d'êtres humains, et demandent des rançons aux familles. l'EI peut compter également sur le soutien financier d'une partie de ses affidés : Arabie Saoudite - Koweït - Qatar adeptes du double, voire, du triple jeu.

On parle beaucoup de la Syrie et peu du Yémen où les Saoud et leur coalition (Egypte, Jordanie, Bahreïn, Maroc, Koweït, Soudan et Qatar) bombardent les Yéménites al-Houthi zaydites proches des chiites. L'ONU parle de plusieurs milliers de morts, certaines victimes brûlées vives par les bombardiers, de 1,5 millions de réfugiés et d'une dizaine de millions de civils privés d'eau.

Imaginez l'émoi suscité par les déclarations du premier ministre irakien au mois d'octobre 2015 lorsqu'il s'est dit favorable à des frappes aériennes russes contre le groupe État islamique en Irak ! Après l'axe : Iran, Syrie, Hezbollah, et la bienveillance de l'Égypte, le maillon irakien serait la goutte de pétrole qui ferait déborder le tanker. Le chef d'état-major interarmes américain, le général Joseph Dunford a averti les USA : "ne pourront mener des opérations en Irak si les Russes y sont déployés en même temps". Les cheveux ont dû leur dresser sur la tête le 23 octobre 2015 lorsque la Russie a créé le surprise lors d'une rencontre à Vienne, avec l'annonce d'une coordination de ses opérations militaires avec la Jordanie membre de la coalition atlantiste, Amman de rappeler que "la coopération entre la Jordanie et la Russie est ancienne."

L'État islamique, anciennement État islamique en Irak et au Levant a proclamé le califat islamique au mois de juillet 2015 sur les parties de territoires irakiens et syriens passées sous son contrôle et affiché son intention d'étendre son expansion à l’Europe, la Russie, l’Asie centrale et à l’Asie du Sud-Est (Le nord de la Chine connait, dans sa partie septentrionale, des attentats visant la population civile). La Russie a pris la décision de vouloir éradiquer la menace, en mettant en application le dicton " les amis de nos ennemis sont nos ennemis", cela vaut pour les sources de financement, qu'elles soient islamiques ou non. Le mot d'ordre est sus à Daesh.

Pour quelle raison l'Arabie Saoudite a-t-elle consenti à l'établissement d'un prix du baril aussi bas alors que les spécialistes s'accordent sur un prix d'équilibre aux alentours de 100 dollars? L'Arabie Saoudite a-t-elle agi afin de plaire à Washington dans le seul but de contribuer à l'affaiblissement de l'économie russe et de contribuer ainsi au renforcement des sanctions contre Moscou? Peu probable, car l'Amérique du nord a été "impactée" par la chute des cours et Riyad s'efforce d'arracher des marchés aux mains des compagnies pétrolières américaines et canadiennes. Les compagnies nord-américaines ont un coûts de forage d'environ 60 dollars le baril contre 20 pour Ryad. Leur riposte fut le gaz de schiste qui permet de rogner sur les coûts d'exploration, d'extraction et d'importation. Le royaume wahhabite pourrait en être le dindon de la farce, car la chute du baril de brut a une répercussion directe sur les finances du pays. Le déficit pourrait atteindre 100 milliards d'euros pour l'année 2015 ! Ryad, au lieu de s'alarmer au vu de la difficulté à rétablir l'équilibre des comptes, continue à dépenser sans compter.

A suivre


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