vendredi 27 novembre 2015

LA PÉTAUDIÈRE DU PROCHE-ORIENT


Le Proche-Orient revêt une importance considérable, plaque tournante terrestre et maritime entre l'Afrique, l'Occident et l'Asie, il représente une source de matière stratégique, le pétrole, et constitue une position militaire de première grandeur. On comprend qu'il occupe depuis près d'un siècle le devant de la scène internationale. Nombre de situations actuelles semblent paraphraser un dicton bien connu : "Si nous n'en profitons pas, d'autres en profiteront". Tiennent-ils le même raisonnement à l'égard de leur sœur ou de leur épouse ? C'est sans conteste une autre façon de faire de la realpolitik.

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, l'Égypte est protectorat britannique depuis novembre 1914. Le conflit terminé, elle est entièrement passée, au grand dam de sa population, sous le contrôle de la Grande-Bretagne. Le pays va lors connaître plusieurs années de grèves qui vont déboucher sur une insurrection générale. Le 21 février 1922, une déclaration met fin au protectorat anglais, sous la condition d'assurer la sauvegarde des voies de communication terrestres et maritimes à la Grande-Bretagne. Le 19 avril 1923, l'Égypte devenait une monarchie constitutionnelle héréditaire dirigée par le roi Fouad I° avant d'être admise auprès de la Société des Nations, l'ancêtre des Nations-Unis en 1937. Lors de la Seconde Guerre mondiale, l'Égypte fut le siège de violents combats entre la 8° armée du général Montgomery et l'Afrika corps du maréchal Rommel (El-Alamein), et n'entra en guerre le 27 février 1945 aux côtés des alliés.

Le 12 mars 1946, l'Égypte dénonça le Traité de 1936, ce qui aboutit le 17 novembre à la signature d'un nouveau Traité avec Londres. L'Angleterre s'engageait à évacuer le Caire et le delta du Nil avant le 31 mars 47, tout let territoire devant l'être avant le 1 septembre 49. Le 16 novembre 1950, les Egyptiens s'impatientent. Le premier Ministre réclame l'évacuation "immédiate et totale" troupes anglaises et l'union de l'Égypte et du Soudan. Londres accepte de négocier... Le 26 août 1951, date anniversaire du Traité, est marqué par de violentes échauffourées. Le 16 octobre, la Chambre et le Sénat proclament Farouk "roi d'Égypte et du Soudan", ce dernier étant sous occupation britannique. Le désarmement des policiers auxiliaires d'Ismalïa au mois de janvier 52 par les Anglais déclencha de violents troubles faisant 46 morts égyptiens et 3 du côté anglais. Le 23 juillet, le général Neguib lança un ultimatum au roi, l'invitant à abdiquer. La démonstration militaire dans les rues du Caire suffit à faire plier le roi d'Égypte et du Soudan, qui embarqua pour l'Europe. Son jeune fils fut proclamé Fouad II. Le 18 juin 1953, l'Egypte demeurée une monarchie, devenait une République.

Le 26 octobre 1954, Abdel Nasser fut victime d'une tentative d'attentat, l'organisation des Frères musulmans fut dissoute et ses membres emprisonnés. Nasser aspire à un grand dessein, celui de grouper les peuples arabes autour de l'Égypte, son arme, entretenir le panarabisme contre Israel, la Turquie, l'Angleterre et la France. Les pourparlers avec l'Angleterre furent paraphés le 27 juillet 1954. Les troupes britanniques se devaient d'évacuer leurs bases situées dans la région de Suez dans un délai de vingt mois, des techniciens civils anglais restant chargés de l'entretien des installations. Les troupes britanniques quittèrent l'Egypte le 18 juin 1955, après 72 années d'occupation. L'Égypte redevint complètement indépendante, cela ne lui était pas arrivée depuis 1517, année de son assujettissement à l'Empire ottoman.

Le Congres d'Héliopolis du 22 mars 45 porta la Ligue arabe sur les fonts baptismaux auprès des Nations-Unis. Cette organisation régionale d'inspiration égyptienne proposait de renforcer les relations entre les États adhérents, d'arbitrer les litiges pouvant les opposer (ses décisions n'étant exécutoires que pour les États signataires), et de se porter mutuellement assistance en cas d'attaque extérieure. Soutenue par la Grande-Bretagne, son influence s'affirma dans le proche-orient et l'Égypte ne tarda pas, sous la férule de Nasser, à prendre la tête de l'opposition anti-occidentale rejoint par la Syrie et l'Arabie Saoudite.

Si l'Arabie ne fut jamais assujettie à une puissance occidentale, les autorités britanniques avaient établi des conventions avec une vingtaine de petites principautés situées sur le pourtour méridional de la péninsule, depuis le Koweït (indépendance en juin 1961) au golfe persique, Bahreïn, Qatar, Mascate, Oman, le protectorat d'Aden. Dans les années cinquante, le Caire incita ces protectorats à se débarrasser du contrôle de la Grande-Bretagne et à reprendre en main leurs ressources pétrolières pour le plus grand bénéfice de la "Nation arabe". Un autre pays était resté à l'écart de l'influence occidentale protégé par une barrière montagneuse, le Yémen est un pays théocratique ultra conservateur qui fit son entrée à l'ONU en septembre 1947 avec l'appui bienveillant des États-Unis. Le 23 avril 56, le Yémen signait un traité militaire avec l'Égypte et l'Arabie Saoudite, avant de se rendre à Moscou qui lui proposa la construction d'un port à Hodeida. Le Yémen adhéra à la Confédération syro-égyptienne le 8 mars 1958 ce qui l'incita à chasser les Britanniques d'Aden.

Lorsque la Grande-Bretagne proposa au roi Abdallah de Jordanie d'adhérer au pacte Turco-iranien au mois de décembre 1955, cela déplut fortement aux Arabes qui l'accusaient déjà de soutenir leur pire ennemi, Israël. La Jordanie s'était emparée de la Palestine arabe et de Jérusalem. Après avoir traversé trois crises ministérielles, le roi promit de ne conclure aucune alliance avec les Occidentaux. Le 1° mars 1956, Hussein, en signe de bonne volonté à destination de : l'Égypte, la Syrie, l'Arabie et de sa population anti-Occidentale, renvoya Glubb Pacha, le fondateur de la Légion arabe. Les trois États l'en remercièrent et lui promirent une aide financière en remplacement de l'aide britannique perdue. Le 5 mai, la Jordanie signait un accord de défense avec le Caire.

Un fait allait venir brouiller les cartes, les élections d'octobre 1956 furent un véritable succès non seulement pour les nationalistes arabes, mais également pour les arabes pro-soviétiques. Le nouveau gouvernement annonça son intention de rétablir les relations diplomatiques avec l'URSS et réclamait l'abrogation du Traité d'alliance conclu avec la Grande-Bretagne. Le jeune roi Hussein n'entendait pas s'en laisser compter. Au cours de la réunion des "Quatre grands" tenue au Caire (février 57), il afficha son accord total et entier avec le roi Séoud d'Arabie, l'acceptation de la Doctrine Eisenhower, c'est-à-dire l'aide américaine ! La position de l'Arabie Saoudite peut surprendre en raison de l'opposition traditionnelle entre les Wahhabites et les Hachémites, mais le roi Ibn Séoud avait conclu fin 1943 un accord avec les États-Unis pour la construction d'une base aérienne à Dahran. Depuis, l'influence américaine n'avait cessé de s'étendre, principalement auprès de sociétés pétrolières Standard Oil et Aramco (American Arabian Oil Company) dont les royalties remplissaient les caisses du royaume d'Arabie. Avec l'affaire de Suez, le roi Ibn Séoud comprit que Nasser représentait un danger certain pour l'exploitation des champs pétrolifères de l'Arabie. Il choisit son camp. Le 5 février, le roi était reçu à Washington avec tous les honneurs d'un chef d'État et reconduisit la location de la base de Dahran de cinq années...

De retour à Aman, le roi Hussein profita de l'amnistie des prisonniers communistes pour demander au Caire et à Ryad la tenue d'une nouvelle conférence des chefs arabes afin de se prononcer sur la menace que le communisme faisait courir au Proche-Orient. Après la tentative déjouée d'un complot militaire, Hussein s'appuya sur les unités bédouines pour proclamer la loi martiale, prononcer la dissolution des paris politiques et le 25 avril former un nouveau gouvernement. Les Américains ne se contentèrent pas seulement de saluer le courage du jeune monarque, ils firent appareiller la VI° flotte qui fit route vers le bassin oriental méditerranéen, et accordèrent une aide financière à la Jordanie. Le Caire était "vert" de rage en constatant que les États-Unis avaient remplacé la Grande-Bretagne dans cette région du Proche-Orient. Une autre surprise attendait l'Égypte et la Syrie. Le roi Hussein allait se rapprocher de son cousin, le roi Fayçal d'Irak, et ensemble, ils allaient former le 14 février 1958, la Fédération hachémite Irako-Jordanienne.

Le Traité de 1930 par lequel la Grande-Bretagne reconnaissait l'indépendance de l'Irak lui avait permis à conserver deux bases aéronavales, une sur l'Euphrate, l'autre sur le Chott el Arab. L'Irak déclara la guerre aux puissances de l'Axe le 16 janvier 43. Le conflit terminé, ses ressources pétrolières semblaient devoir tenir l'Irak loin de l'agitation que connaissaient ses voisins. Les royalties rapportées par l'Irak Petroleum contribuaient à l'essor économique du pays. Le roi Fayçal conscient de l'emprise soviétique sur le Proche-orient, était partisan d'une coopération accrue avec les Occidentaux. Le 2 mai 1953, le roi Fayçal II qui venait d'atteindre sa majorité, était couronné roi le même jour que son cousin Hussein I°. L'année suivante, la Grande-Bretagne abolissait le traité de 1930 et s'engageait à retirer ses forces armées et à transférer ses bases aériennes sous commandement irakien. Le 1 juillet 1955, l'Iran adhérait au pacte de Bagdad, suivi le 11 octobre par le Pakistan.

Saddam Husein entendait faire de l'Irak une grande puissance régionale, l'opposition sunnite chiite et de vieilles querelles frontalières à propos du Chott al-Arab et de la province du Kohouzestan riche en pétrole l'opposaient à l'Iran. Saddam Hussein profita d'une purge au sein de l'armée iranienne pour lancer ses troupes, soutenu financièrement par l'Arabie Saoudite et le Koweït. En 1982, l'Iran connu quelques succès militaires, aussitôt, les États-Unis entreprirent de soutenir l'Irak et d'en protéger les convois pétroliers. On apprendra bien plus tard, que le gouvernement américain jouait un double jeu en livrant aussi des armes à l'Iran (affaire Irangate)... Lorsque le conflit se termina, six années plus tard (1,5 millions de morts), l'Irak se retrouva fortement endetté envers le Koweït. C'est alors que le Koweït accrut sa production de pétrole, ce qui eut pour résultat une baisse des cours et de contrecarrer les intérêts de l'Irak à rembourser ses dettes. Au mois d'aout 1990, l'Irak envahissait le Koweït. Des forces américaines furent dépêchées à la hâte afin de protéger les installations pétrolières en Arabie Saoudite. L'ONU vota une résolution exigeant le retrait des troupes irakiennes. Une coalition forte d'une trentaine d'États lança l'opération aérienne Tempête du désert, suivie le 24 février de l'opération terrestre Sabre du désert. Le 27, le président George Bush annonça la libération du Koweït. Plusieurs mois allaient être nécessaires pour éteindre les incendies qui ravageaient les puits de pétroles, et qui allait donner lieu à d'étranges affaires financières et autres arrangements. Le 20 mars 2003, les États-Unis et la Grande-Bretagne réunissaient une nouvelle coalition pour envahir l'Irak sans l'aval de l'ONU. Ce nouveau conflit allait avoir d'énormes répercussions dans tout le Proche-Orient et en Europe par ricochet. Non seulement Bush père & fils n'ont rien fait pour éviter l'islamisme de gangrener la société occidentale, mais l'y ont précipitée.

Depuis les attentats de septembre 2001, les États-Unis cherchent sans relâche à rallier les Occidentaux à leur point de vue, fusse en leur mentant ou en leur taisant des informations. Si le différent est porté devant les Nations-Unies et que ces dernières se refusent à cautionner toute action militaire, la raison du plus fort ou du plus riche prévaut. Elle a valeur de diktat et l'opération militaire se pare alors du "droit d'ingérence et d'action humanitaire". L'intervention de l'OTAN en 1990 contre la Yougoslavie avait en son temps suscité de très vives critiques, ne répondant pas à une résolution de l'ONU et elle avait été déclenchée sans qu'aucun pays de l'OTAN ne soit attaqué, contrevenant à l'esprit même de sa charte.

La vérité est plurielle et une dictature, à ne pas confondre avec la tyrannie, peut comme bien d'autres choses, se révéler la pire ou la meilleure forme de gouvernance. Qu'elle soit imposée par un clan, une coalition, ou par les circonstances, les peuples la subissent toujours en réaction à un déséquilibre. La dictature a plusieurs visages et ceux qui la rejettent un peu trop vivement semblent ignorer qu'ils s'y dirigent parfois et qu'il peuvent se transformer, à leur tour, en véritables tyrans.

A SUIVRE

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samedi 14 novembre 2015

     DE LA PERSE À L'IRAN 


Le 1° décembre 1943, Churchill, Roosevelt et Staline s'engageaient à respecter l'indépendance ainsi que l'intégrité territoriale de l'Iran occupée depuis avril 41 par les troupes britanniques et soviétiques, dans le but d'assurer la protection de leurs transports. Le 16 novembre 45, une insurrection armée éclatait en Azerbaïdjan et le 12 décembre, un gouvernement communiste était constitué. Le chef de gouvernement déclara son intention d'étendre le régime à toutes les démocraties populaires et à l'Iran. Les Américains renforcèrent aussitôt leurs effectifs afin de faire échec aux ambitions de l'URSS qui avait déjà fomenté une rébellion contre Téhéran. L'occupation de l'Azerbaïdjan, pays situé aux marches de l'Irak et de l'Inde, représentait pour Moscou une place prééminente au Proche-Orient. Les Soviétiques firent savoir que leurs unités militaires resteraient stationnées en Azerbaïdjan et au Kurdistan Iranien jusqu'au retour au calme. Le président Truman décidé à ne pas s'en laisser compter adressa un ultimatum à l'URSS lui enjoignant de quitter le territoire Perse sans délai. Le 8 mai, les troupes soviétiques se retiraient et trois mois plus tard, l'Iran signait avec les États-Unis un traité d'assistance militaire. Le 5 février 49, le parti communiste (le Toudeh) était interdit en réponse à une tentative d'attentat contre le Shah.

Le 31 août 1907, les Anglais et les Russes se partageaient la Perse. La convention anglo-russe divisait la Perse en deux zones d'influence séparée par une zone neutre. Pendant la Première mondiale, la Perse devint un champ de bataille pour les Anglais, les Russes, les Turcs, et l'Anglo-Persian Oil Company devint une ? d'une importance vitale. Au sortir de la guerre, la Perse se trouva plongée dans le chaos, ses caisses étaient vides et la famine sévissait. Le Congrès des communistes musulmans, Moscou 1919, estima que la Perse était la plus apte à voir l'expansion des partis communistes locaux. Le 4 juin 1920, la République socialiste soviétique de Gilan était proclamée et avec elle la création du Parti communiste de Perse. L'aventure ne dura qu'une seule année. Les Soviétiques émirent l'idée que la Perse n'était pas préparée pour une "révolution bourgeoise." La Perse était passée d'une société islamique à une monarchie constitutionnelle en 1906, mais c'est par un coup d'État (21 février 1921) portant le Shah Reza Pahlavi sur le trône, que la Perse traditionnelle muta en l'Iran moderne.

Le Shah désireux de libérer l'Iran de toutes les influences économiques étrangères se tourna vers les États-Unis pour lancer un programme de modernisation. Les pays occidentaux étaient surtout haïs en raison des capitulations, privilèges d'extraterritorialité accordés aux étrangers résidant en Iran. La capitulation abolie le 10 mai 1928, de nouveaux traités furent conclus avec : l'Autriche, la Belgique, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, les Pays-bas, la Suède, la Tchécoslovaquie. L'Iran en profita pour revendiquer l'île de Bahreïn alors protectorat anglais... L'année précédente, l'URSS avait annulé tous les traités conclus par le Tsar et supprimé les dettes contractées par la Perse. Parmi les réformes qu'apporta le régime du Shah : l'instruction & des cours du soir pour adultes inspirés des écoles européennes, le système juridique fut soustrait à l'autorité religieuse au bénéfice des juridictions civiles et laïques. Ces mesures allaient entraîner une mutation et un bouleversement de la société.

L'URSS conservait la main mise sur l'Iran qui était obligé de lui vendre ses matières premières avant de les lui racheter sous forme de produits transformés ou de les échanger contre d'autres marchandises. Dans les années trente, le commerce de l'Iran réservé à l'URSS représentait un tiers des échanges. En 1938, le Shah ordonna l'interruption de ces échanges et se tourna vers l'Allemagne, puissance qui n'était jamais intervenue dans les affaires perses.. Cette dernière mit à disposition son assistance technique dans quasiment tous les secteurs industriels iraniens. Lufthansa inaugura la liaison Berlin-Bagdad-Téhéran. Le 25 août 1941, les armées britanniques et soviétiques envahirent l'Iran et prirent le contrôle du chemin de fer transiranien. Le Shah abdiqua au profit de son fils au mois de septembre. Les alliés conclurent le Traité d'alliance tripartite le 29 janvier 42 au terme duquel ils s'engageaient à se retirer dans les six mois après la fin des hostilités. Le 15 décembre 45, la révolte kurde éclatait, poussée par l'URSS. En 47, les États-Unis s'engagèrent à assurer l'indépendance iranienne (doctrine Truman).

Le ciel commença par s'assombrir à partir de l'année 1951 avec la nationalisation du pétrole iranien et l'éviction de l'Anglo-Iranian Oil Company (AIOC), les plus grandes raffineries au monde, installées à Abadan sur le golfe persique. Des grèves et l'agitation nationaliste contraignirent le gouvernement à proclamer l'état de siège dans l'État du Khouzistan. Le président du conseil, le général Razmara, fit remarquer que l'Iran ne disposait pas des moyens techniques suffisants pour exploiter lui même les régions pétrolifères. Le 7 mars, il était assassiné par un membre des "frères de l'islam". Le 10 juin, le leader du parti nationaliste, le Dr Mossadegh qui avait succédé au général Razmara, faisait hisser le drapeau iranien sur le siège social de l'AIOC situé à Khoramshan. Le 3 octobre, les Anglais qui avaient refusé à l'unanimité de travailler sous les ordres de la nouvelle entité, quittaient la zone sans incident. L'Iran exigea la fermeture de tous les consulats sous prétexte qu'en outrepassant leurs compétences, ils intervenaient dans les affaires intérieures iraniennes. Le 16 octobre, le Dr Mossadegh rompait les relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne.

Au mois de juillet, le mollah Kashani souleva la foule contre Mossadegh en soutien au Shah Reza Pahlevi. Mossadegh évincé, se rapprocha du parti communiste iranien avant d'être arrêté le 19 août par l'armée et condamné à 3 ans d'emprisonnement. La Grande-Bretagne et l'Iran rétablirent leurs relations diplomatiques. L'exploitation pétrolière fut accordée pour une durée de 25 ans à un Consortium constitué des sociétés : anglo-iranian (40%), Shell (14%), cinq compagnies américaines (40%) et la Compagnie française des pétroles (6%). L'Iran redoutant une ingérence soviétique, se rallia au camp occidental et adhéra le 11 octobre 1955 au Pacte de Bagdad.

La société iranienne se transforma profondément, une élite occidentalisée apparut et l'industrialisation vida les campagnes. L'exode rural provoqua, misère et chômage et le mécontentement ne pouvait, en raison de la censure, s'exprimer librement. La grogne se répandit dans les mosquées, parmi les doléances exprimées, le départ du Shah, véritable aubaine pour un certain ayotollah Khomeyni qui aspirait à l'établissement d'une République islamique, et la mise au "rancard" de la laïcisation et de l'occidentalisation du pays. Le Shah opta pour la répression afin de prévenir toute nouvelle insurrection populaire, et procéda à une forte militarisation. En 1978, les soldats refusèrent de tirer sur la population qui manifestait. Le Shah privé du soutien de son armée, s'enfuit aux États-Unis. La République islamique fut proclamée le 1° avril 79. Au mois de novembre, les "étudiants de la révolution" envahissaient l'ambassade des États-Unis à Téhéran, suivie de la crise des otages qui ne prendra fin qu'en janvier 1981. Le Shah considéré comme le fantoche des États-Unis était décédé et le nouveau président Ronald Reagan avait promis de débloquer les avoirs iraniens gelés. L'argent n'a ni morale ni d'amis.

A SUIVRE

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mardi 3 novembre 2015

LE "MIKADO" LIBANO- ISRAËLO - PALESTINIEN   


Le 2 novembre 1917, la Grande-Bretagne donnait son accord en réponse à la déclaration Balfour qui stipulait : "l'institution en Palestine d'une patrie nationale pour le peuple juif", ancienne possession turque peuplée d'un million d'Arabes et d'une centaine de milliers de Juifs. L'immigration juive en provenance principalement d'Europe, allait poser un problème délicat. En 1946, la population israélite en Palestine représentait 600 000 colons tandis que la population arabe se trouvait progressivement refoulée vers l'intérieur, d'autres en exil. Les mouvements sionistes (Irgoun et Stern) vont avoir recours à l'immigration clandestine pour le peuplement de la région et aux attentats contre les forces britanniques d'occupation qui en vinrent à proclamer la loi martiale en janvier 1947 et de porter le litige devant les instances de l'ONU. Le 29 novembre, l'ONU se prononça pour un plan de partage en deux États indépendants et libres de tout mandat britannique. De violents combats allaient opposer les Arabes aux Juifs. Le 14 mai 1948, le haut commissaire britannique quittait la région et les Juifs proclamaient l'indépendance de l'État d'Israël reconnu aussitôt par les États-Unis et l'URSS.

L'ONU désigna le Comte Bernadotte comme médiateur, mais les belligérants refusèrent de se rendre à la conférence de la paix réunie à Rhodes. L'Égypte lançait de son côté des appels au soulèvement des armées arabes. Le 4 juillet, Israël proclamait la mobilisation générale, le 9, le roi Abdallah soutenu par tous les peuples de la Ligue arabe déclenchait une offensive. Bernadotte était assassiné par un activiste israélien le 17 septembre 48 à la veille d'un nouveau plan de paix adressé à l'ONU. A la surprise des pays arabes, ces derniers furent vaincus. L'Égypte défaite signa le 24 février 1949 un armistice qui entérinait l'occupation de la quasi totalité du Néguev par les Israéliens. Le roi de Jordanie rattacha son royaume à la Palestine au grand dam de ses alliés. Le 11 mai 49, l'État d'Israël fut admis à l'ONU. Au mois de décembre, l'État hébreux transférait sa capitale de Tel-Aviv à Jérusalem et le roi Abdallah installa sa légion dans les vieux quartiers arabes de la ville. Une décision de l'ONU internationalisa la cité et les lieux saints.

Les incidents se multiplièrent, les occidentaux de calmer le jeu en rappelant la déclaration tripartite américano-anglo-française de 1951 garantissant les frontières d'Israël aux deux parties. En 1956, Israël se montra inquiet des livraisons d'armes soviétiques aux Égyptiens. Seule la France leur avait livré quelques avions au jeune État, la Grande-Bretagne et les États-Unis restant soucieux de ménager les pays arabes. Au mois de juillet survint la crise de Suez. Le 12 octobre, l'Irak se déclarait prête à expédier des troupes en Jordanie. Israël, menacé d'être pris en "tenaille" entre l'Égypte et l'Irak, déclencha une action préventive. Le 29, les troupes israéliennes s'enfonçaient dans le Sinaï et parvenaient aux abords du canal de Suez. Le 31, les troupes franco-anglaises débarquaient dans les environs de port Saïd. L'opération militaire suscita la réprobation des USA et l'URSS. Le Conseil de sécurité enjoignit aux Britanniques et aux Français d'évacuer la zone du canal et aux Israéliens de se retirer jusqu'à la ligne d'armistice de 49. Israël, soutenu par la France, demanda à conserver le contrôle de la bande de Gaza qui n'a jamais été une partie de l'Égypte, et son maintien dans le golfe d'Akaba. La réponse fut négative et l'enclave de Gaza occupée par un contingent de l'ONU. Le 4 mars 1957, les Israéliens quittaient Gaza. Quatre mois plus tard, deux navires affrétés par l'État d'Israël franchissaient le canal. Au mois de novembre, les pays arabes rejetaient la proposition israélienne du rapatriement d'une partie des réfugiés palestiniens en Israël. Pendant la guerre de 48, près de 600  000 arabes sur une population de 780 000 avaient fuit la Palestine.

En 67, l'Égypte décida le blocus du détroit de Tiran et elle expulsa les forces de l'ONU du Sinaï. Nasser appela tous les Arabes à participer à la destruction d'Israël. L'État hébreux lança une offensive aérienne et terrestre dans le sud-ouest et s'empara de la bande de Gaza et du Sinaï (guerre des six-jours). La Syrie et la Jordanie en profitèrent pour attaquer au nord et à l'est. L'attaque fut non seulement repoussée, et Israël occupa la Cisjordanie (territoire jordanien) et le plateau du Golan (Syrie). Le 6 octobre 1973, le jour de la fête juive de Yom Kippour, l'Égypte et la Syrie bien décidées à reconquérir le Golan et le Sinaï lançaient une nouvelle offensive contre Israël. Après plusieurs semaines de combats à l'issue incertaine, les États-Unis se décidèrent à soutenir l'État hébreux et à pourvoir à son ravitaillement par la mise en place d'un pont aérien. En 1979, le secrétaire américain Kissinger parvint à réunir l'Égypte et Israël pour les négociations de Camp David et la signature du Traité de paix, acte qui entraîna l'exclusion de l'Égypte de la Ligue arabe et l'assassinat du président Anouar al Sadate par des islamistes en 1981.

Au Liban, la situation fut plus calme, dans son ensemble, qu'en Syrie. Les communautés chrétienne - druze - musulmane avaient vécu côte à côte depuis des siècles et sans rencontrer de problèmes majeurs. L'occupation française au Liban qui avait commencé le 8 octobre 1918 avait succédé à un Gouvernement hachémite, illégal, pour prendre fin le 31 décembre 1946. Le 17 septembre 1952, le président au pouvoir depuis neuf ans fut contraint de démissionner, remplacé par un homme porté au pouvoir par le commandant de l'armée libanaise. Le Liban, pays le plus occidentalisé de la région, s'est longtemps tenu à l'écart du panarabisme et des conflits régionaux tout en se gardant d'adhérer au pacte de Bagdad et à l'alliance égypto-syrienne, lui préférant la doctrine d'Eisenhower.

L'opposition anti-Occidentale allait fomenter une agitation et conduire à de graves crises. L'OLP dirigée par Yasser Arafat réussit à implanter une enclave dans le sud du Liban et à proximité d'Israël d'où partaient des fedayins. En 1982, Israël, de guerre lasse, attaqua le Liban en représailles à des incursions sur ses frontières nord. Une année plus tard, Tsahal en avait chassé l'OLP (qui se réfugia en Tunisie) avec le renfort des milices chrétiennes et contrôlait un tiers du Liban. Israël se retira du Liban en 85, excepté de la frontière sud qui jouxte celle d'Israël (le retrait définitif et total interviendra en 2000). En 1987, un colon israélien tua une écolière palestinienne d'une balle tirée dans le dos. L'OLP, le Djihad islamique et le Hamas allaient être à l'origine de l'Intifada (guerre des pierres) et de surenchères.

La répression israélienne parvint à contenir l'Intifada, mais la situation intérieure allait diviser fortement l'opinion israélienne. C'est un modéré, Yitzhak Rabin, qui fut élu en 1992 au poste de Premier ministre. Le 13 septembre 1993, Rabin et Arafat signaient les accords d'Oslo qui garantissaient le retrait israélien de la bande de Gaza et de la Cisjordanie, régions dans lesquelles la population subissait durement les conditions imposées par l'occupant, premier pas vers la création d'un État Palestinien. Les questions liées aux implantations israéliennes en Cisjordanie et à Gaza, au statut de Jérusalem et à la sécurité des frontières restaient en suspens. En 1995, Yitzhak Rabin était assassiné par un Israélien opposé à tout compromis avec les Arabes. Aucun de ses successeurs n'allait vouloir accéder aux doléances palestiniennes. Au mois de septembre 2001, Sharon fraîchement élu Premier ministre, entreprit de réoccuper la Cisjordanie et de faire ériger un mur destiné à prévenir l'infiltration de fedayins en territoire israélien. En 2005, les forces israéliennes quittaient la bande de Gaza, et en 2015, la Palestine siégeait à ONU.

L'État hébreux est devenu un acteur de poids incontournable au Proche et Moyen-Orient. Les nombreuses tensions latentes dans cette région ou dans la péninsule arabique sont loin d'avoir disparu. Le moindre incident est capable à tout instant de raviver des rancœurs très vivaces. Bouger la moindre pièce revient à en ébranler une autre comme dans un jeu de "Mikado", ou l'effet papillon.


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