LA SYRIE ? L'ODEUR DU PÉTROLE !
Le
conflit en Syrie représente à la fois un enjeu géostratégique et
financier considérable, si je ne craignais de faire un
mauvais jeu de mot j'ajouterais égostratégique &
égopolitique ou égos des postures en présence. Le
conflit semble "juteux" pour les pays exportateurs d'armes.
Pour l'année 2013, la France a vendu pour 40% d'armement au
Moyen-Orient, dont 28% à l'Arabie saoudite qui s'apprête à acheter
quatre frégates aux États-Unis pour un montant de 11 milliards de
dollars. L'Arabie saoudite est devenu le premier importateur d'armes
: missiles, fusils d'assaut, Tornado, etc. L'Egypte s'est portée
acquéreuse des deux BPC non livrés aux Russes (Moscou s'est engagé pour sa part à livrer à l’Egypte des hélicoptères et de l’équipement aux normes russes pour ces bâtiments pour un montant d'un milliard de dollars) et de 24 "Rafale".
Le Qatar a passé lui aussi commande de 24 avions "Rafale" tandis que le Koweït a paraphé un accord portant sur la livraison
de véhicules militaires, 24 hélicoptères "Caracal", et
un programme de modernisation et de ses patrouilleurs P37. Un quart
des officiers de la Marine koweïtienne et tous ses plongeurs sont
formés par la Marine Nationale. Il est courant de voir des
Saoudiens, des Koweïtiens et des Qataris suivre la même formation
maritime.
En
1990, Saddam Hussein envahissait le Koweït, ce qui allait permettre
aux USA de reprendre pied au Moyen-orient après l'échec de Téhéran.
Peu de temps après l'invasion du Koweït (août 1990), l'Irak fut
soumis à un embargo drastique de 1996 à 2003. Afin d'atténuer les
conditions de vie difficile de la population, l'ONU adoptait le 14
avril 1995 une résolution permettant à l'Irak de vendre du pétrole
en contre-partie de la nourriture et des médicaments. Ce programme
autorisait Bagdad à vendre 500 000 barils de brut chaque
semestre, soit une somme équivalente à 2 milliards de dollars. Le
"fruit" de toutes ces transactions étaient placées sur un
compte séquestre ouvert à la BNP de New York et sous la supervision
de l'ONU. La ventilation des sommes récoltées prévoyait que sur
chaque milliard de dollars de pétrole vendu : 300 millions seraient
alloués aux victimes de la guerre du Golfe, 25 millions à couvrir
les coûts du désarmement de l'Irak et 150 millions à l'aide des
populations kurdes du nord de l'Irak. ce programme donna lieu à un
vaste système de corruption impliquant près de 4 000
entreprises et le gouvernement de Saddam. Le système de
rétro-commissions et de sur-facturations mis en place pouvait
atteindre jusqu'à 30% des ventes de brut et 10 % de commission sur
le volet humanitaire. Ces sommes étaient transférées vers des
comptes offshore avant d'être rapatriées en "cash" et
déposé à la banque centrale irakienne. Concomitant, le Raïs
délivrait des bons de pétrole à des personnalités influentes dans
l'activité de lobbying actives sur la levée des sanctions frappant
son pays. Au mois de mars 2003, le programme était suspendu. La
réserve fédérale traquait les dix milliards détournés dont 270
personnalités représentant 66 nationalités, auraient bénéficié.
Après l'implosion
de l'URSS, les États-Unis devenus la seule superpuissance, vont
rallier une coalition forte d'une trentaine de pays, de s'abattre sur
l'Irak. Un volet souvent passé sous silence, Saddam Hussein avait
été imprudent en annonçant qu'il souhaitait, dans le futur être
payé non plus en dollars, mais en euros ! et les États du Golfe de
vouloir constituer une monnaie unique! Imaginez le pavé dans la
marre... La monnaie d'échange de l'or noir reste le dollar, quand
cette devise se "rétracte", les revenus des pays
producteurs sont "baissiers". Ces États et monarchies
comptent probablement sur le pétrodollar pour honorer leurs
commandes, et c'est là que le bât blesse. La crise pétrolière a
déjà entrainé pour le Koweït un manque à gagner de 23
milliards de dollars, et le Bahreïn table sur un déficit de près
de 4 milliards d’euros pour 2015. Certains États en seraient à
repousser les échéances échues et ils envisageraient de renoncer à
de grands travaux dans le secteur du BTP avant de procéder à des
coupes dans les bénéfices accordés à leur population. Il faut
savoir qu'une partie importante de la manne pétrolière a permis de
financer la protection sociale, de dispenser les émiratis de
travail. Sur 5 millions d'actifs, 3 millions sont des fonctionnaires
et la main d'œuvre est majoritairement d'origine étrangère.
Cette
monarchie qui se veut le phare de la religion musulmane n'hésite pas
à en prendre à ses aises en privé. Le 26 octobre 2015, les
douanier de l'aéroport de Beyrouth ont interpellé un prince
saoudien alors qu'il s'appretait a embarquer dans un jet privé à
destination de Ryad, dans lequel ont été découvert une quarantaine
de bagages contenant deux tonnes de Captagon (amphétamine) et de la
cocaïne. Le 26 octobre 2015, les douanier de l'aéroport de Beyrouth
ont interpellé un prince saoudien alors qu'il s'appretait a
embarquer dans un jet privé à destination de Ryad, dans lequel ont
été découvert une quarantaine de bagages contenant deux tonnes de
Captagon (amphétamine) et de la cocaïne. Autre exemple en date,
trois employées en charge de la villa du prince Majed ben Abdoullah
ben Abdoulaziz Al Saoud sise à Beverly Hills ont déclaré lors de
leur audition par la police californienne, que le prince se livrait à
des acte de sadisme sur ses employées, sniffait de la cocaïne,
s'alcoolisait à outrance, qu'il s'entourait de prostitués pour
satisfaire son appétit sexuel et qu'il aurait des relations
homosexuelles avec certains de ses collaborateurs. Inutile de
rappeler que de telles pratiques en Arabie sont passibles de peine de
prison, de plusieurs centaines de coups de fouet, dans certains cas
la décapitation en place publique.
Le
Koweït s'est déclaré en "état de guerre" au mois de
juin 2015 après l'attaque d'une mosquée chiite par l'État
islamique, mais il se doit comme les autres États riverains de la
péninsule, de protéger sa façade maritime. Et pour cause ! La
plupart des infrastructures pétrolières situées sur le côté
oriental de celles-ci se trouvent
majoritairement peuplées de Chiites... Quant aux
exportations, elles dépendent de la libre circulation des navires
pétroliers qui empruntent le Canal de Suez (Égypte, Soudan,
Éthiopie, Somalie, Yémen ) ou le détroit d'Ormuz
(l'Iran, Oman, les Émirats Arabes unis, l'Arabie
saoudite). La fermeture du Canal de 1967 à 1973 suite à sa
nationalisation par l'Égypte, et l'intervention
israélo-franco-britanique, a révélé l'appétit pantagruélique
des deux grands pour cette partie du monde.
L'Arabie saoudite est le principal exportateur de pétrole du monde. En dix-huit mois, le prix du baril de brut a été divisé par deux, passant de 105 dollars à moins de 47 dollars mi-septembre 2015. La responsabilité n'en incombe pas seulement à l'Arabie Saoudite qui a cassé les prix, mais en raison aussi d'une offre excédentaire, d'un dollar fort, et des compagnies qui achètent plus de brut à l'Arabie Saoudite qu'à la Russie pour approvisionner leurs raffineries d’Europe. Le pétrole russe en provenance de l’Oural est passé à une cinquantaine de dollars par baril, soit un cours supérieur de quelques dollars au cours de l'OPEP. Du coup, le pétrole de la mer Caspienne (d'où la flotte russe a tiré des missiles sur les positions des rebelles syriens) et celui de l'Asie Centrale qui a été jusqu'alors peu exploité, s'immisce au cœur des débats.
Suite
aux modifications territoriales intervenues en 1991, l’URSS et
l’Iran ne sont plus les seuls États détenteurs de cette zone :
l’Azerbaïdjan - le Kazakhstan - le Turkménistan sont venus s'y
greffer et ce sont cinq pays limitrophes qui doivent s'en partager
les richesses. Cette étendue d'eau soulève aussi un autre problème
de droit international, s'agit-il d'une mer ou d'un lac ? Le traité
soviéto-iranien de 1921 permettait l'exploitation des ressources à
égalité entre l'URSS et l'Iran, conventions confirmées par le
traité soviéto-iranien de 1940 faisant de la Caspienne "une
mer soviétique et iranienne". Cette épineuse question n'a
pas seulement une répercussion sur l'extraction, elle en a aussi une
sur sur l’acheminement des hydrocarbures par des sea-lines (sur le
fond) et pipes-lines (terrestres). Cette région posséderait 4 % des
réserves mondiales de pétrole et environ 8 % des réserves de gaz,
ressources qui la situe derrière la Russie et le Golfe persique et
juste devant la mer du Nord. Les réserves de la mer Caspienne
pourraient contribuer à répondre à la croissance des besoins
mondiaux en énergie dans les dix ans à venir! L'Arabie saoudite a
la ferme intention de reconquérir des parts de marché en Europe,
allant va jusqu'à démarcher des pays d'Europe centrale, de se
positionner en concurrent direct du pétrole russe qui représente
près de 60% des exportations à destination de l’Europe. Avant le
choc pétrolier des années 1970 ,l’Arabie saoudite exportait 50%
de sa production en Europe contre seulement 6% aujourd'hui.
Autre grand bénéficiaire du pétrole? Daesh et consorts. D'après les services de renseignement irakiens, l'État islamique serait en mesure de produire près de 30 000 barils de brut/ jour. Lors de ses avancées en Syrie et en Irak, l'EI a réussi a prendre le contrôle d'installations pétrolières dont la revente de brut entre 10 et 35 dollars le baril lui assure 40 millions / mois! Cette somme permet de verser à sa soldatesque une solde de 500 dollars mois, et d'acquérir de l'armement, des véhicules, du matériel de communication. Ce trafic leur aurait déjà rapporté plusieurs dizaines de milliards de dollars, et il ne saurait s'agir de la seule ligne comptable, dès qu'ils s'abattent sur une région, ils en pillent les banques, se livrent à la traite d'êtres humains, et demandent des rançons aux familles. l'EI peut compter également sur le soutien financier d'une partie de ses affidés : Arabie Saoudite - Koweït - Qatar adeptes du double, voire, du triple jeu.
On
parle beaucoup de la Syrie et peu du Yémen où les Saoud et leur
coalition (Egypte, Jordanie, Bahreïn, Maroc, Koweït, Soudan et
Qatar) bombardent les Yéménites al-Houthi zaydites proches des
chiites. L'ONU parle de plusieurs milliers de morts, certaines
victimes brûlées vives par les bombardiers, de 1,5 millions de
réfugiés et d'une dizaine de millions de civils privés d'eau.
Imaginez
l'émoi suscité par les déclarations du premier ministre
irakien au mois d'octobre 2015 lorsqu'il s'est dit favorable à des
frappes aériennes russes contre le groupe État islamique en Irak !
Après l'axe : Iran, Syrie, Hezbollah, et la bienveillance
de l'Égypte, le maillon irakien serait la goutte de pétrole qui
ferait déborder le tanker. Le chef d'état-major interarmes
américain, le général Joseph Dunford a averti les USA : "ne
pourront mener des opérations en Irak si les Russes y sont déployés
en même temps". Les cheveux ont dû leur dresser sur la
tête le 23 octobre 2015 lorsque la Russie a créé le surprise lors
d'une rencontre à Vienne, avec l'annonce d'une coordination de ses
opérations militaires avec la Jordanie membre de la coalition
atlantiste, Amman de rappeler que "la coopération entre la
Jordanie et la Russie est ancienne."
L'État
islamique, anciennement État islamique en Irak et au Levant a
proclamé le califat islamique au mois de juillet 2015 sur les
parties de territoires irakiens et syriens passées sous son contrôle
et affiché son intention d'étendre son expansion à l’Europe, la
Russie, l’Asie centrale et à l’Asie du Sud-Est (Le nord de la
Chine connait, dans sa partie septentrionale, des attentats visant la
population civile). La Russie a pris la décision de vouloir
éradiquer la menace, en mettant en application le dicton " les
amis de nos ennemis sont nos ennemis",
cela vaut pour les sources de financement, qu'elles soient
islamiques ou non. Le mot d'ordre est sus à Daesh.
Pour
quelle raison l'Arabie Saoudite a-t-elle consenti à
l'établissement d'un prix du baril aussi bas alors que les
spécialistes s'accordent sur un prix d'équilibre aux alentours de
100 dollars? L'Arabie Saoudite a-t-elle agi afin de plaire
à Washington dans le seul but de contribuer à l'affaiblissement de
l'économie russe et de contribuer ainsi au renforcement des
sanctions contre Moscou? Peu probable, car l'Amérique du
nord a été "impactée" par la chute des cours et Riyad
s'efforce d'arracher des marchés aux mains des compagnies
pétrolières américaines et canadiennes. Les
compagnies nord-américaines ont un coûts de forage d'environ 60
dollars le baril contre 20 pour Ryad. Leur riposte fut le gaz
de schiste qui permet de rogner sur les coûts d'exploration,
d'extraction et d'importation. Le royaume wahhabite pourrait en être
le dindon de la farce, car la chute du baril de brut a une
répercussion directe sur les finances du pays. Le déficit pourrait
atteindre 100 milliards d'euros pour l'année 2015 ! Ryad, au lieu de
s'alarmer au vu de la difficulté à rétablir l'équilibre
des comptes, continue à dépenser sans compter.
A suivre
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