dimanche 30 mars 2014

LE DÉSINTÉRÊT POUR L'ARMÉE


Près d'un tiers des Français préfèrent la domination d’une grande puissance à la perspective d’une guerre ! Comment en sommes-nous arrivés là ? Le XIX° siècle voit l'essor de l'industrialisation sous la poussée d'exploits techniques et une transformation exceptionnelle de notre environnement avec la formation de l'Empire colonial français. En 1881, le bey de Tunis reconnait la souveraineté de la France - la maîtrise de la mer oblige la Chine à reconnaître le protectorat de la France sur l'Annam et le Tonkin (1885) - l'expansion se poursuit en Mer Rouge avec l'établissement d'une base navale à Djibouti (1888) et la pacification de Madagascar (1895-1905) - l'AOF naît avec la conquête du Sahara (1902) - la domination française s'étend de la méditerranée au Tchad - le protectorat marocain intervient en 1912.

La III° République est secouée par une série d’événements qui troublent l'environnement politique, social et économique ; scandale de Panama (1893) fait suite au boulangisme, le terrorisme anarchique donne naissance à une forme de banditisme, Zola attise les passions et suscite les divisions avec "J'accuse", Jules Ferry fait voter le principe de l'enseignement primaire laïque gratuit et obligatoire, la loi sur les libertés syndicales.

La France d'avant 1914 connait une certaine nonchalance avec la paix sociale et la stabilité financière, c'est la belle époque et il fait bon vivre en France. Dès le début du conflit, la France est privée des ressources des régions envahies, son économie subit un coup d'arrêt brutal. L'allégresse de l'armistice ne peut effacer le souvenir d'une guerre mondiale qui laisse le pays exsangue. Les pertes humaines sont considérables. Les Français songent à s'étourdir pour oublier leurs souffrances. Ce sera les années folles. Le krach de 1929 est le premier symptôme d'une crise économique dont la gravité et l'ampleur sont sans précédent. Le niveau de la production retombe à un niveau plus bas qu'en 1913.

Le 1 septembre 1939, la France fidèle à ses engagements déclare la guerre à l'Allemagne suite à l'invasion de la Pologne. Deux millions d'hommes sont prisonniers et la partie nord du pays est envahie. Le blocus des Alliés coupe la France de l'extérieur la privant de matières premières, d'énergie et de moyens de communication. L'arrêt des hostilités est presque un soulagement. Paris est déclaré ville ouverte, l'armistice est signé le 14 juin. La population française est divisée en quatre attitudes : ceux qui font le dos rond en attendant des jours meilleurs - la collaboration (les raisons sont diverses) - la résistance à l'envahisseur - et ceux qui préfèrent s'expatrier. Le 3 juillet 1940, le drame de Mers-El Kébir frappe de stupeur la population. La flotte britannique a ouvert le feu sur l'escadre française au mouillage tuant 1 300 marins et endommageant nos plus belles unités.


En 1945, la France sort d'une des plus graves crises de son histoire. Sa population a connu l'humiliation, la misère, le marché noir, les restrictions, et l'occupation de son territoire. Les pertes en vies humaines ont fait plus de 600 000 victimes. L'outil industriel est détruit, les cultures sont dévastées. La France doit tout acheter et son prestige est définitivement ébranlé. La seconde Guerre mondiale va précipiter la fin du colonialisme. En juin 1945, les Français évacuent la Syrie, au mois de décembre 46, le dernier soldat français quitte le Liban, trois mois plus tard surgissent les troubles à Madagascar, la guerre d'"Indo" se termine par le drame de Dien Bien Phu en juillet 54. L'agitation persistante en Tunisie et au Maroc conduit à la reconnaissance de leur indépendance (52 et 53). L'année 56 voit le déroulement de l'opération Mousquetaire (l'aventure de Port-Saïd en Égypte), les deux grands renvoient le corps expéditionnaire franco-britannique soutenu par Israël, à la niche, la queue entre les pattes. Les années soixante annoncent le chant du cygne avec l'indépendance : du Mali - de la Mauritanie - du Tchad - de la République de centre Afrique - du Congo - du Cameroun - de Madagascar - du Sénégal - de la Côte d'Ivoire - de la Guinée. Qui se souvient aujourd'hui du Dahomey, du Togo, etc. ?

Quelques mois seulement après l'Indochine, le problème algérien se révèle au grand jour ; on parle de maintien de l'ordre, de rébellion, de pacification, autant d'euphémismes bien inutiles pour une guerre qui n'ose pas dire son nom. Le conflit algérien va marquer les esprits et l'envoi du contingent va secouer la société française. Si le service national est peu apprécié des appelés, il l'est encore moins par ceux qui sont maintenus et les rappelés. L'appelé après quatre mois d'instruction militaire accomplis en métropole, en Allemagne, ou au "bled". L'instruction terminée, le conscrit sait faire un lit au carré, ranger son armoire et faire son paquetage. Cette période terminée, l'appelé bénéficie d'une courte permission de 8 jours avant de prendre place à bord d'un train, direction Marseille, camp Sainte-Marthe. Les trains accusent souvent des retards provoqués par l'usage intempestif du signal d'alarme pour immobiliser la rame.

Après le passage par le dépôt, les appelés embarquent sur un navire à destination de l'Algérie où des camions les attendent pour les conduire vers leur affectation. Les jeunes hommes vont se familiariser avec leur quotidien : bouclage, quadrillage, ratissage, embuscade, accrochage, contrôle d'identité, patrouille, tour de garde, protection des convois, assaut, sans oublier le crapahut dans le relief tourmenté. La solde ? 20 francs (anciens) - 15 paquets de "troupes" - quelques timbres franchise militaire, par mois... Ne leur a t-on pas dit que "les voyages formaient la jeunesse" ? Promesse en partie tenue. Ils vont se familiariser avec leur nouveau vocabulaire : mechta, Inch Allah, mektoub, harka, katiba. La compagnie est devenue l'école Berlitz (L'apparition de mots d'origine arabe, fatwa, emir, etc., dans notre quotidien est-elle une indication fiable des bouleversements à venir ?). Après une année de service, les appelés ont droit à une permission de 3 semaines (en métropole, les congés payés sont alors de 4 semaines/an). Les appelés vont vite apprendre qu'il ne faut pas abandonner un camarade blessé sous peine de le retrouver atrocement mutilé, émasculé, égorgé ; parfois au cours d'un accrochage, des soldats d'origine algérienne lèvent leur fusil la crosse en l'air en signe de ralliement à l'ALN ; au petit matin certains ont déserté avec leur arme. Ces actes seront en partie responsables de la défiance des Français à l'égard des Algériens. Pendant leurs loisirs, les appelés tapent le carton, écoutent le "transistor", lisent et relisent le courrier reçu, et ils prennent des photos, tout en pensant au Père-cent, à la quille, et craignant de faire du "rabiot". Peu sont politisés.

Le 1 juin 1958 le parlement investit le général de Gaulle, le 15 mai c'est un général Salan enthousiaste qui adresse à la population réunie sur la Forum d'Alger un "Vive de Gaulle ! " tonitruant ; au mois de Septembre 59 de Gaulle propose aux Algériens la voie de autodétermination. Le 8 janvier 1961 les Français de métropole approuvent à 75 % le référendum sur l'autodétermination. Le 22 avril 1961 éclate le putsch des généraux et porte l'Organisation de l'armée secrète (OAS) sur les fonds baptismaux. "Soleil" (Salan) n'avait pas étudié cette forme de combat lors de son passage par l'école de guerre, l'issue en sera catastrophique. Jean-Marie Bastien Thiry sera fusillé pour être resté fidèle à son serment. Le conflit terminé en 62, on décompte 30 000 morts, la plupart sont de jeunes hommes âgés d'une vingtaine d'années.

Cette époque annonce un complet bouleversement des mentalités. L'arrivée massive des pieds-noirs en 1962 accentue le manque de logements (elle aura aussi un impact sur le banditisme). Les grands ensembles et les villes-nouvelles vont contribuer à la modification du territoire et à l'extension des zones péri-urbaines. La population est mieux instruite, plus critique et mieux informée. En 1968 le nombre des universitaires a augmenté de 168 % en une décennie et le mouvement du mois de mai conteste l'autorité (loi Edgar faure).  L'année 1968 voit également la création des Comités de soutien aux objecteurs de conscience, forme de contestation apparue avec la naissance de la conscription obligatoire au XIX° siècle. L'objection de conscience a fait vraiment son apparition publique lors de la guerre d'Algérie. La guerre d'Algérie terminée, un premier statut leur est accordé par de Gaulle mais La diffusion d'informations sur le sujet reste interdite. La gestion de leur affectation et emploi sont confiés à différents ministères (Intérieur, Santé, Agriculture, Affaires sociales). A partir de 1966, les objecteurs de conscience ont la possibilité d'effectuer leur service civil dans des organismes d'accueil. 
 
La fin des trente glorieuses (45-73) va aggraver largement la tempérance de la population. Le regroupement familial (1974) va contribuer à l'accentuation de la pénurie de logements et venir raviver des blessures post-coloniales. Entre 1960 et 75, la population est passée de 47 à 53 millions, on compte 830 000 chômeurs, le choc pétrolier (conflit egypto-israélien) fait bondir le prix du baril de 3 à 12 dollars, il atteindra 34 dollars en 79. 

Depuis les républicains des barricades de 1830 jusqu'aux comités de soldats des années 70, l’institution n’a pas manqué de détracteurs. L'antimilitarisme régnant dans le monde ouvrier voyait dans le soldat l’outil de la répression sociale, et une certaine paysannerie restait opposée à un service militaire qui l’arrachait à sa terre. En 1983 une nouvelle loi facilite l'obtention du statut d'objecteur de conscience tout en autorisant la diffusion d'informations sur le sujet ; le nombre d'objecteurs ne va cesser d'augmenter. La suspension du service national (loi du 28 octobre 1997) n'en est pas en cause première, même si une grande partie de la population n'adhère pas à la fonction intégratriste de la conscription, pas plus que la cause seconde. La cité n'est plus menacée, du moins par ce genre de menace. 

Le citoyen du XXI° siècle n'a plus rien de commun avec le siècle des lumières et l'humanisme généreux. Il lutte au quotidien pour l'amélioration de sa condition, il veut pouvoir choisir la cause pour laquelle il est prêt à se battre et à mourir. Si une vie humaine disparaît définitivement, la République, elle, se transforme, perdure, et les responsables politiques ne sont jamais jugés, fusse à titre posthume. Les militaires sont tenus en piètre estime par les politiques même lorsque ces derniers font semblant de leur cirer les "rangers". Le politique ordonne, le militaire exécute.

L'Armée française que les Russes surnomment l'Armée mexicaine en raison de sa pléthore de généraux est désacralisée. L'individu n'est plus la chose de son "saigneur", il n'entend plus être commandé par un plus c.. que soi. Première question, pour qui et contre qui se battre ? deuxième axiome, ces derniers méritent-ils que je risque ma vie pour eux ? Je peux être en accord avec eux et cependant refuser de m'y associer. Il ne s'agit pas de lâcheté, la véritable lâcheté serait de contribuer à une cause pire que l'actuelle. Que penseraient nos pairs tués à l'ennemi en défendant la Patrie lors des conflits de 1870, de 14-18 et de 39-45, s'ils pouvaient voir les boches défiler le 14 juillet sur les Champs-Elysées et leurs "soldaten" inhumés dans notre terre et à côté des nôtres ? La chancelière a-t-elle l'intention un jour de venir récupérer leurs dépouilles couvertes de vert-de-gris ? Amis Allemands qui me lisez, sachez que la génération d'après- guerre n'a rien oublié, elle pourrait prétendre à des dommages intérêts pour le syndrôme post-traumatique subi par leurs aînés qui leur a été transmis par la psychogénéalogie et légué au titre du devoir de mémoire. En 2013, la Grèce réclamait aux Allemands le versement d'indemnités au titre de réparation. La Bundeswrh a -t-elle mis en place l'étude de la cliodynamique dans ses cours ?

UN CONCEPT DÉPASSÉ
Après le volontariat de 1792 qui rencontra peu d'intérêt, la France invente l'année suivante la réquisition et en 1798 la conscription. Les vendéens et les Bretons refuseront ces formes de recrutement. La guerre va durer 10 ans et elle fera 600 000 morts dans les deux camps. L'armée de conscription ne laisse aucun choix à l'appelé. Le "bidasse" est la chose de l'État. De citoyen il est redevenu sujet de l'État-Royaume. Il se voit obligé de combattre et de mourir pour le pouvoir, pour une idéologie, ou une action qu'il désapprouve. Les décideurs qui ont fait bien peu cas de la vie de nos pairs n'ont jamais eu à rendre compte de leurs actes insensés. Ils ont pourtant contribué à "saigner" le pays. Des défaites transposées en épopées glorieuses dissimulent leur incurie et celle des politiques. La charge de Reichshoffen le 6 aout 1870 n'en est, hélas, qu'un triste exemple (14-18 en a connu d'autres). Quatre de nos régiments de cuirassiers massacrés! Le terrain qui n'avait pas été reconnu dissimulait des réseaux de fils de fer qui suffirent à désarçonner nos cavaliers. Il serait temps de réviser notre Histoire de France en lisant autre chose que des manuels scolaires. L'enseignement de l'histoire est le fondement de l'identité nationale.

Les motivations qui animaient les hommes formés pour mener une guerre de libération reposaient sur la liberté et la défense de la cité. Si la guerre a de tout temps été un art pour lequel il fallait s'instruire et y être préparé, les temps ont bien changé. De nos jours, on a renoncé au combat avant qu'il ait commencé. C'est le refus des pertes humaines qui prévaut parmi les politiques et les États-majors. Non seulement on évite l'engagement au sol, geste guerrier, pour lui substituer un geste technique (tir de missile par un drone par exemple). Ce n'est plus la conviction dans la cause (patriotisme) qui l'emporte, mais le sens des responsabilités.La violence ne représente plus un moyen de libérer la patrie. La violence doit être proportionnée !

Le métier des armes n'a plus grand chose à voir avec le passé, hormis peut être le théâtre des opérations extérieures qui n'a jamais intéressé les nationaux (ces troupes n'ont jamais obtenu le soutien de la population). La professionnalisation des armées "colle" à l'esprit de la population occidentale moderne. Tout s'achète, même la tranquillité. Ce n'est qu'une question de prix à payer (renoncement). Le soldat en opération extérieure adhère à des valeurs exogènes qui n'ont parfois que peu à voir avec le sacrifice à des valeurs nationales. Il y a dans l'esprit de la population, affaiblissement du patriotisme, disparition des vertus guerrières, ce qui a entraîné la banalisation de la fonction militaire. On demande au militaire d'exécuter les ordres. N'est-il pas payé pour cela? S'il est tué en opération extérieure (nos pairs étaient "tués à l'ennemi"), la famille entend porter l'affaire devant les tribunaux pour engager la responsabilité des supérieurs en invoquant l'obligation de moyens. Les militaires doivent répondre de leurs actes devant les politiques qui entendent ménager leur opinion publique, et les tribunaux, avec le risque d'être "lâchés" par leur hiérarchie.

Le militaire est engagé dans des missions qui dépassent largement la fonction. La nature des combats actuels consiste à respecter un règlement draconien avant d'engager les effectifs, d'ouvrir le feu, etc. Il s'agit avant tout de minimiser les risques (pour qui ?). On assiste à une "moralisation" (jugement de valeur) croissante du monde qui nous entoure. L'intervention armée est-elle tolérée, souhaitée, ou rendue nécessaire ? On parle de droit d'ingérence, si besoin en contradiction avec les lois internationales, de maintien de l'ordre, voire de sociétés militaires privées, afin de rendre noble l'intervention étrangère. La mort n'a plus la même signification, l'acte héroïque a disparu, quant aux dommages à l'encontre des civils, la dilution les rend "excusables". Cette "moralisation", humanisation, a un coût, il faut réparer, reconstruire, et surtout s'excuser d'être intervenu sans avoir été sollicité.

Aujourd'hui, l'homme ou la femme, peut avant son engagement réfléchir: le combat est-il légitime, légal au regard du droit international, suis-je disposé à porter le couvre-chef d'une organisation internationale, à être placé sous un commandement allié ? L'obéissance et la discipline sont maintenant perçues comme une soumission à l'autorité. L'armée représente le contraire de la liberté et de l'égalité. Il ne peut y avoir de liberté dans l'égalité. L'instruction, l'égoïsme, la sécurité, sont pour certains les meilleurs garants d'une vie confortable de laquelle la fraternité a complètement disparu. Si un jour apparaissait en Europe une menace intérieure quelconque, serions-nous en mesure de l'affronter promptement et la réduire avant de annihiler, ou le coq aura-t-il muté en chapon pour finir embroché et servir ripailles ?

mardi 25 mars 2014

LE PRIX D'UNE VIE HUMAINE
" Une vie humaine n'a pas de
prix, mais elle a un coût."

La disparition du vol MH 370 avec 259 personnes à bord pose la question sur la valeur d'une vie. Combien la société civile est-elle disposée à investir pour protéger une vie. Commençons par aborder la disparition des passagers de manière non passionnelle, mais comme un phénomène relevant de la victimologie. Le cadre posé, au-delà même des questions éthiques, morales, culturelles, affectives, la vie humaine ne serait-elle pas surévaluée, au risque de tendre vers le complexe d'Abraham ( anciennes fonctions sacrificielles ) ou l'eugénisme ? Dans la société occidentale moderne aux normes de sécurité contraignantes, la collectivité tend à accorder un prix élevé à la vie humaine, tandis que dans une société peu développée, le risque est supporté par le clan ou l'individu, c'est aussi l'approche des assureurs, avec toutes les dérives qui peuvent venir en résulter. Après le crash d'un Boeing, la Compagnie avait décidé qu'il était moins onéreux d'ignorer l'accident que d'engager les modifications sur sa flotte. C'était sans compter sur la pugnacité de la famille de l'une des victimes. Le scandale et le procès finirent par faire revenir la Compagnie aérienne sur sa décision initiale, celle de ne rien faire (coût de renoncement).

Depuis l'antiquité, l'homme aspire à introduire de la rigueur dans ses choix, c'est ce que l'on appelle l'art de prendre des décisions ou des prévisions, questions déjà abordées avec le chapitre consacré à l'audit. Comment évaluer la valeur d'une vie? On pourrait paraphraser Bentham et dire que la sûreté-sécurité est le solde positif moins les incidents, selon le nombre de personnes affectées, leur durée et leur intensité. La perte de 3 000 vies survenue en deux heures de temps lors de l'attentat du 11 septembre 2001, n'a pas la même valeur que 3 000 victimes d'accidents de la route étalés sur plusieurs mois (8500 morts par an).

L'importance d'un aéronef dans un pays lointain n'est qu'un micro phénomène. L'ordre public n'étant pas troublé, il n'y a donc pas de coupable. Il y a des gens qui ont raison ou qui ont tort, ce qui relève du droit civil, d'ailleurs, ce sont les Affaires Etrangères qui sont en charge de ces affaires, rarement le ministère de la justice. La victime n'est qu'un fragment, quoique important, d'un tout bien plus grand qui dépasse sa personne. Sans caisse de résonance, l'accident demeure sans importance internationale. Le point de vue de la journaliste Christine Ockrent vaut à être rapporté "Sur les chaînes nationales, on constate que le fait divers l'emporte parce que l'émotion prime sur l'analyse ; à peu près tout ce qui parait complexe est banni de l'information télévisée". Et selon Annick Dubled " Un fait n'est divers que médiatisé. C'est un indicateur symbolique et non statistique d'une société."

Un premier choix possible serait de calculer le ratio coûts / bénéfices, mais la réponse serait biaisée, car il suffirait de ne retenir que l'action la plus rémunératrice. Lors d'une prise d'otage, faut-il par exemple verser 50 millions de dollars pour sauver 1 vie ? Une réponse se dessine. Combien un individu serait-il prêt à payer pour s'assurer contre le risque de perdre la vie ayant une chance sur 10.000 de se produire? Imaginons que ce soit 750 $/an, un dix-millième de vie vaut donc 750 $. La valeur statistique d'une vie vaut 7.5 millions (750 x 10 000). Sachant que les ressortissants des pays développés sont disposés à consacrer à leur sécurité une somme équivalente à 120 fois le PIB par habitant : 115 809 $ pour un Luxembourgeois (chiffre de 2011) - 48 088 pour un Américain - 43 088 pour un Français - 8 400 pour un Chinois et 1000 $ pour un Irakien. On s'aperçoit que la valeur de la vie est inégale. La vie d'un Français en 2011 valait 5.17 millions de $ (le rapport Boiteux estime la valeur d'un Français à 1 million d'euros) et celle d'un Luxembourgeois à plus de 13 millions de dollars.
Cette méthode ignore : les salaires perdus, le capital amassé, le montant des primes d'assurance versées, la perte économique pour la collectivité (production, impôts, consommation notamment), etc. Si l'on inclus, par exemple, le nombre d'années restant à vivre (l'âge moyen des morts par accident est d'environ quarante ans), la valeur de la vie croît avec l'âge avant de décroître vers la fin de la carrière professionnelle. La famille d'une victime âgée de 35 ans, mariée sans enfant salaire 10 000 $/an disparue dans l'attentat du World Trade Center a perçu la somme de 573 400 dollars (le Congrès a par ailleurs débloqué 45 billions de dollars pour engager les hostilités, soit la somme de 15 millions de dollars par victime).
La valeur d'une vie reste intimement liée à l'investissement que la société et/ou l'entreprise a placé en l'individu. La valeur économique de l'enfant qui est quasi nulle au départ représente un investissement pour le futur. L'État a subvenu à ses soins et à ceux de sa mère pendant ses premières années, a contribué à son éducation (allocations), à son instruction (Un bac +3 revient à 142 000 euros, somme à laquelle il convient d'ajouter 11 260 euros par année supplémentaire et 8000 euros/an supportés par la famille: hébergement, repas, fournitures, inscriptions). La durée d'études accomplie représente un coût pour les contribuables qui sont en droit d'attendre un retour sur investissement afin de venir contribuer à la redistribution vers la collectivité. Toute proportion gardée, le versement d'une rançon de 30 millions d'euros permet la formation de 130 docteurs en médecine qui sauveront des milliers de vie humaines. Il ne faut donc pas s'étonner d'entendre des économistes dire que les retraités, les femmes au foyer, les chômeurs, et les assistés, représentent une valeur négative (ils coûtent plus qu'ils ne rapportent).
L'argent vaudrait-il infiniment plus que sa propre valeur ? Un dollar dépensé aux États-Unis n'ayant pas la même valeur qu'en Afrique, il s'ensuit un effet pervers qui vient constituer un formidable démultiplicateur financier. On peut contester le système financier et la valeur monétaire, mais on ne lui a pas encore trouvé de substitut concret.

Il est vrai que la notion bonheur (apparue vers la fin du XVIII° siècle) et celle de la douleur des proches ne sont pas prises en compte dans le calcul de la valeur d'une vie humaine. Les familles, les associations, les médias qui s'en font l'écho et qui instrumentalisent la situation, semblent oublier qu'une démocratie se doit de privilégier l'intérêt général sur les intérêts particuliers, ou corporatistes. La faute, si faute il y a, en incombe-t-elle pas aux parties en cause ? Un accident de grande ampleur n'est jamais anodin et les acteurs forment une chaîne de responsabilité, le constructeur, la compagnie, la maintenance, les législateurs, les entreprises qui font voyager leurs personnels, les médias, etc.

Une dizaine de jours après la disparition énigmatique du Boeing 777, le porte-parole du Pentagone faisait savoir que les États-Unis avaient déjà dépensé 2,5 millions de dollars pour les recherches. La facture ne devrait pas être présentée à la Malaisie qui a délégué une partie de l'enquête à d'autres États : Chine, États-Unis, Australie, France, Japon. La France a ainsi mis des moyens satellitaires civils et militaires au service des recherches et envoyé 3 experts du Bureau d'enquête et d'analyse à Kuala Lumpur.
Le contribuable doit-il participer au coût de sauvetage pour récupérer un corps ou faut-il déléguer les conséquences induites aux compagnies d'assurance. A titre de "comparaison", les recherches du vol Rio-Paris ont coûté 35 millions d'euros à la France, dont la moitié a été financée par le constructeur Airbus et la compagnie Air France. Il est par contre impossible, en l'état, de chiffrer le coût que cela entraînerait si les circonstances de l'accident restaient non élucidées. Déterminer les responsabilités est important, mais découvrir les causes afin de prévenir de futurs accidents doit prévaloir.



samedi 15 mars 2014

Le vol 370 de Malaysian Airlines après avoir disparu des écrans radars des controleurs aériens civils vers 1h30 (déconnexion du transpondeur), puis des radars militaires, a continué à envoyer des "bings" via les satellites Immarsat PLC, des paramètres techniques destinés à tenir informer le sol sur le fonctionnement des réacteurs pendant plus de cinq heures, pour lesquels Malaysian Airlines n’aurait ainsi pas souscrit au service Inmarsat qui a perçu cependant les derniers signaux émis par l'appareil. Le Boeing 777 a pu parcourir plusieurs milliers de kilomètres supplémentaires, soit “atterri” ou “amerri” quelques part dans ce rayon d'autonomie.

Bien venu dans le monde M2M ou machine à machine, une technologie de surveillance permettant de controler et d'analyser les performances, l'état des composants, les actions du système et d'en améliorer la maintenance. Si la base de collecte des informations est au sol, le mobile peut être un navire, un avion, une plate-forme pétrolière, se trouvant n'importe où dans le monde, ou concerner un site sur un autre continent !

Le système EHM repose sur le transfert de données à partir d'avions à la terre, Aéronefs communications, d'adressage et de système (ACARS), les rapport systèmes grâce à une liaison de données numériques qui transmettent le système de surveillance Aircraft Condition Signal (ACMS) par radio VHF (very high frequency) ou par liaison satellite lorsque le mobile est éloigné d'une station au sol. Ces données sont ensuite retransmises au personnel destinataire dans le monde entier.

La plupart des gros aéronefs civils utilisent un système de surveillance Aircraft Condition (ACMS). La firme Rolls-Royce utilise pour ses réacteurs une vingtaine de capteurs EHM pour surveiller de nombreuses caractéristiques : températures, pressions, vitesses, débits, niveaux de vibration, etc., afin de s'assurer de leur fiabilité. En cas d'urgence, la station au sol contact l'équipage, mais le plus souvent les informations techniques sont communiquées au personnels au sol chargé de l'entretien.

La plupart des capteurs sont multi-usages, ils sont utilisés pour contrôler le moteur et fournir une indication du fonctionnement du moteur au pilote ainsi que d'être utilisé par le système EHM. Les principaux paramètres du moteur - vitesses des arbres et température des gaz de turbine sont utilisés pour donner une vision claire de l'état de santé global du moteur, tandis que d'autres capteurs de pression et de température sont installés sur le circuit du trajet des gaz afin de permettre l'exécution de chacun des modules principaux (ventilateur, compresseur de pression, turbines haute, intermédiaire et basse pression) pour être calculé. Des capteurs de vibrations fournissent des informations sur l'état de toutes les pièces en rotation. Un détecteur magnétique est chargé de piéger les débris dans le système d'huile et résulter d'une usure anormale des roulements ou des engrenages. D'autres capteurs sont utilisés pour évaluer l'état du système de carburant (pompe, valve doseuse, filtre), le système d'huile (pompe et filtre), le système d'air de refroidissement et la ventilation de la nacelle (boîtier de protection séparer du fuselage que contient les moteurs, le carburant, ou de l'équipement à bord des avions). .
On différencie trois types de rapports.
  • Les rapports instantanés, les données des capteurs sont collationnés pendant le décollage, pendant la montée et une fois l'avion est en croisière.
  • Le rapport d'activité inhabituelle déclenché par l'état du moteur, dépassement par exemple de la température limite, paramètres clés permettent un dépannage rapide.
  • Un résumé qui résume les conditions maximales subies pendant le vol et les réductions de puissance sélectionnés pendant le décollage et la montée.


La fonction de surveillance Avion (ACMF) limite les rapports à 3 kbytes, en conséquence de quoi les systèmes d'acquisition doivent travailler dans cette limitation. Dans le cadre de la Défense, le transfert de données est supérieur à ce débit, car certaines données EHM exige une réponse rapide.  
Il aura fallu attendre sept jours après la disparition du Boeing 777, vol MH 730 de la compagnie  Malaysia Airlines, pour apprendre que l'appareil a disparu quelques minutes seulement après l'interruption de son transpondeur... Pourtant, selon les déclarations parues ici ou là cela semblait évident, lire .