jeudi 16 avril 2015

MAYDAY MAYDAY MAYDAY (3)

Dès l'instant  les compagnies aériennes purent proposer des destinations à un prix abordable et la possibilité de voyager en sécurité sur de grandes distances en un temps relativement court, le public allait adopter ce nouveau mode de transport. L'aviation civile a bénéficié des progrès enregistrés par l'aviation militaire ; le rapport poids/puissance est passé de 3/1 à près de 6/1, soit une réduction de poids de la moitié, d'où une réduction importante de la consommation en carburant. Le choix d'un moteur est fonction du type d'appareil : court, moyen ou long courrier, car la consommation détermine à son tour la taille des réservoirs (bien souvent situés dans les ailes), donc le poids total de l'appareil (Un Boeing 747 a besoin de 134 tonnes de carburant, soit 170.000 litres de kérosène). Pour des raisons de sécurité, seuls les appareils équipés de 3 ou 4 réacteurs peuvent s'éloigner des côtes pendant une durée supérieure à soixante minutes, durée estimée nécessaire à un biréacteur pour atteindre en cas d'incident technique un aéroport. Tout appareil ne reçoit son permis de navigabilité qu'après sa certification, c'est-à-dire après que tous les essais aient été concluants.

Si l'appareil doit repartir rapidement, il n'est procédé qu'à un "check transit". L'ordinateur de bord d'un avion Airbus est programmé pour déceler une usure, une faiblesse anormale ou un déréglage d'un organe. Si tel est le cas, le Commandant en fait mention sur son rapport de vol et il appartiendra au chef de la maintenance de faire effectuer les vérifications. Chaque mécanicien est responsable de son travail et signe une fiche de travail. Si la réparation s'avère avoir été délicate, le mécanicien fait procéder par un collègue à un contrôle et qui contre-signe la fiche de travail.

Un transporteur aérien peut réaliser de substantielles économies grâce aux tolérances techniques. Le choix de la compagnie et de l'appareil n'est pas anodin (www.dgac.fr). L'ordinateur de bord d'un avion airbus est programmé pour déceler une usure, une faiblesse anormale ou un déréglage d'un organe. Les vingt majors (grandes compagnies) qui assurent 63 % du trafic ne subissent que 20 % des accidents. L'industrie aérienne reste soumise à une forte pression concurrentielle. Les grandes compagnies consacrent 18 % de leur budget à l'entretien de leur flotte alors que la moyenne est de 12 %. En 2004, 6800 infractions ont été constatées par les 41 États membres de la Communauté Européenne de l'Aviation Civile (CEAC) et 17 appareils ont dû être immobilisés au sol !

Les techniciens chargés de délivrer le certificat de navigabilité réalisent des interventions superficielles et, parfois en diffèrent d'autres, afin de ne pas immobiliser l'appareil, et c'est en toute légalité qu'ils inscrivent « ground check OK » sur le carnet de bord. En cas de risque grave pour la sécurité, l'appareil peut être immobilisé pour un temps indéterminé, on comprendra que les compagnies aient tout intérêt à disposer d'appareils parfaitement entretenus. Dans certaines régions, les vols sont rares et dans ce cas, le personnel au sol peut ne pas appartenir à la compagnie propriétaire de l'avion, mais relever de l'autorité aéroportuaire. Le chef d'escale est alors responsable de l'état de l'appareil, du plan de chargement, du plan de vol avec approbation du commandant de bord, avant de quitter le sol.

La police à bord relève du Commandant de bord et du personnel naviguant qui peuvent requérir l'aide des passagers sans pouvoir l'exiger. Cependant, tout autre passager peut dans le cadre de la légitime défense de soi ou d'autrui, intervenir de sa propre initiative pour rétablir la sécurité du vol et de ses passagers ou membres d'équipage. L'International Air Transport Association (IATA) a classé les comportements à risques en quatre catégories :
C1 : comportement perturbateur (refus d'attacher sa ceinture, ouverture d'un compartiment à bagages au décollage ou atterrissage, etc.), incivilité ;
C2 : comportements agressifs physiques ou verbaux envers un autre passager ou à l'égard du personnel naviguant ;
C3 : comportement susceptible de compromettre la sécurité du vol, de l'appareil (tentative par exemple d'ouvrir une porte), agression physique sur le personnel ;
C4 : acte illicite grave, tentative pour accéder au poste de pilotage, détournement.

Des agents de sûreté armés peuvent être présents à bord d'appareils assurant certaines destinations ou à bord d'appareils appartenant à certaines compagnies aériennes. Les agents de sûreté "Tiger" embarquent toujours par deux et en même temps que le personnel naviguant dont ils revêtent l'uniforme. Ils assistent l'équipage lors de l'inspection de la cabine et des soutes. Les vérifications terminées, ils abandonnent l'uniforme de la compagnie pour revêtir des vêtements civils avant de recevoir leur arme conservée dans un coffre-fort de l'appareil. L'arme n'est jamais introduite par l'agent. Il existe une autre catégorie, les "foxes", des agents chargés d'assister les services de sécurité à l'embarquement. L'engagement des agents de sûreté repose sur l'ordonnance de l'aviation (art.122) et sur l'ordonnance des mesures de sûreté de l'aviation art.5. Les premiers passagers peuvent embarquer.

On ne badine plus avec la sûreté aérienne. Deux hommes qui parlaient arabe au comportement suspect ont été contraints de quitter l'avion dans lequel ils venaient de prendre place, juste avant le décollage de l'appareil, et ce, à la demande des autres passagers inquiets. Un appareil reliant Amsterdam à Bombay a fait demi-tour, escorté par deux F-16, en raison du comportement inquiétant de plusieurs passagers. Un jeune passager qui voulait pénétrer de force à l'intérieur du cockpit verrouillé est décédé par étouffement dans l'algarade qui s'en était suivi. Il avait dû être maîtrisé par plusieurs passagers. La justice américaine a déclaré qu'il s'agissait d'un acte de légitime défense de la part des passagers.

Deux milliards de passagers sont transportés chaque année, dont 13 % ont plus de 65 ans. Un problème médical se produit par 20.000 passagers et un décès par trois millions. Cela représente pour une compagnie aérienne comme Air France, 10 décès annuels, dont 6.5 complètement imprévisibles (Un passager en première classe sur un vol British Airways reliant New Delhi à Londres s'est réveillé à côté d'un cadavre. L'équipage y avait placé le corps d'une vieille dame décédée en classe économique trois heures après le décollage ! Le corps retenu par la ceinture de sécurité avait glissé sur le sol après que l'appareil ait rencontré une zone de turbulences.) Dans 89,6 % des cas, un médecin qui se trouvait à bord, a pu porter secours au malade. Toute personne qui travaille dans le domaine de la santé est tenue de porter assistance à une personne en danger. Toute personne qui se déroberait à cette obligation qui lui est faite s'expose à des sanctions pénales, et certains médecins bénéficient, à ce titre, de la gratuité partielle (GP).

En cas d'urgence absolue, le pilote lance l'indicatif "Mayday - Mayday - Mayday" suivi de l'indicatif de l'avion et le numéro du vol afin de pouvoir être identifié auprès du contrôleur aérien, sa position et la nature du problème lorsque les pilotes en ont le temps. Simultanément, le pilote adopte les mesures de sécurité et les manœuvres prescrites par les règlements : regagner un plafond inférieur, virer pour éviter un obstacle, vider les réservoirs, etc.

Si le nombre de victimes lors d'un accident aérien est souvent très élevé, ce moyen de transport reste quinze fois plus sûr que la voiture et 300 fois plus que la moto (le risque d'un accident de la route est 13 fois plus élevé dans les pays en développement que dans les pays industrialisés). Le risque d'être victime d'un accident aérien est de 1,5 million (les statisticiens de l'aviation commerciale avancent la probabilité d'un accident par million d'heures de vols).

La plupart des appareils modernes sont équipés du système Acars qui envoie des informations (chiffrées) à intervalles réguliers, via un réseau de satellites, à leur station technique au sol pour prévenir tout incident technique, et tout appareil est équipé de deux enregistreurs situés dans la queue de l'appareil, "boîte" de couleur orange et ceinturée de 2 bandes blanches fluorescentes sur laquelle est écrit "flight recorder do not open". Il s'agit pour l'une d'un enregistreur des paramètres de vol via des capteurs placés en différents endroits : réacteurs, gouvernail, aileron, bords d'attaque, altimètre, assiette, réseau électrique du bord, compas, vitesse, poussée des réacteurs, roulis et tangage, l'autre enregistre les conversations des pilotes, le bruit d'ambiance, les messages du poste de pilotage au personnel de cabine, et du personnel de cabine au passagers. L'appareil peut enregistrer tous ces paramètres pendant 25 heures en continu. Le boîtier en titane qui repose sur "silent bloc" pour amortir les chocs peut résister à un choc de 3400 G, résister à un feu de 1100° pendant 30 minutes, et à une immersion de 30 jours. La boîte "noire" est munie d'une balise ultra-sonore pour être localisée en cas d'immersion, l'appareil emporte trois balises radio pour le localiser au sol.

Dès qu'un appareil disparaît ou se trouve en perdition, le plan SATER (Sauvetage Aéro-Terrestre) est déclenché par le Préfet en coordination avec l'Armée de l'Air, la gendarmerie, les services incendie, la sécurité civile, le Réseau des émetteurs français (radio-amateurs), etc. Il a pour but l'organisation de la recherche d'aéronefs à l'aide de moyens aériens, terrestres ou radioélectriques. Le plan SATER comporte quatre phases :
Alpha : simple demande de renseignements lorsque l'on est sans nouvelles d'un aéronef.
Bravo limité : demande de vérification dans une zone déterminée de certaines informations en mettant en œuvre un nombre limité de moyens de recherches.
Bravo : demande de recherches effectives et plus complètes lorsqu'un aéronef est en détresse au sol ou a disparu sans qu'il soit possible de le localiser exactement ou lors du signalement du fonctionnement d'une balise de détresse.
Charlie : demande de recherches terrestres pour retrouver l'épave d'un aéronef lorsque la zone probable de l'accident est localisée.

En cas d'accident ou simplement d'incident, le BEA (Bureau des Enquêtes Accidents) a pour mission d'examiner en détail les causes de toute anomalie constatée sur tous les appareils en service dans le monde afin d'en tirer un enseignement tant sur le plan technique que celui du pilotage et utilisation de l'appareil. Après un accident, les autorités aéronautiques peuvent prendre la décision de suspendre les vols à l'ensemble d'un type d'appareil pour une durée indéterminée. Les mesures correctives (retour d'expériences) adoptées pour remédier à un problème peuvent se "révéler être l'ennemi du bien" et entraîner de nouvelles occurrences comme est venu nous le rappeler le crash de l'A320. Le système de sécurité qui a contribué à empêcher le Commandant de bord à rejoindre le poste de pilotage a été instauré après la prise d'otages du vol Air-France Alger-Paris en 1994 avant d'être généralisé après l'attentat du 11 septembre 2001. Ce qui était censé renforcer la sûreté a contribué à la mort de 150 personnes ! Plusieurs auteurs avaient pourtant soulevé ce risque : un pilote d'Ethiopian Airlines avait utilisé ce même stratagème pour détourner un avion vers Genève, et le scénario du film ''Les nouveaux sauvages'' ressemble étrangement au drame de l'A320 de la Germanwings. Les améliorations techniques sont une chose, les comportements humains en sont une autre, ce qui fait dire à Jan Cocheret : «Parfois, je me demande sérieusement qui est assis à côté de moi dans le cockpit. [...] Et s'il se passait quelque chose de terrible dans sa vie, qu'il ne peut plus supporter? J'espère ne jamais avoir à découvrir, en rentrant des toilettes, que je fais face à une porte de cockpit qui ne s'ouvrira jamais.»


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