mercredi 14 octobre 2015

UNE NOUVELLE FORME DE CONFLIT MONDIAL ?


Le Proche-Orient actuel représente une zone de tensions internationales où un dangereux "cyclone" pourrait bien venir s'y former. L'unité géographique du Proche-Orient est loin de se refléter dans une unité politique, la démocratie cadrant mal avec les mentalités arabes et islamiques. Si les Musulmans sont capables de s'unir, ce n'est que momentanément. Ils représentent une mosaïque de peuples divisés depuis des siècles par leur hérésie, et les États formés n'ont acquis leur souveraineté que très récemment. Les révoltes et les coups d'État militaires y ont remplacé nos crises parlementaires. L'évolution progressiste fut surtout sensible en Syrie, Liban, Égypte, Iran, Irak, pays dans lesquels l'ethnie arabe n'est pas toujours majoritaire, divisée en Sunnites, Chiites, Druzes, etc.

Le 25 juillet 1920, l’armée française titulaire d'un mandat de la Société des Nations au Levant portant sur la Syrie et le Mont Liban faisait son entrée à Damas et les Britanniques en Palestine et en Irak (Mésopotamie), en application des accords Sykes-Picot. Les troupes du général Gouraud ne rencontrèrent qu'une faible résistance des troupes syriennes. La population fut d'abord satisfaite d'être enfin débarrassée du joug Ottoman et la mission était noble, la France était : "chargée de mener la Syrie à l’autodétermination politique, c'est-à-dire à l’indépendance dans les plus brefs délais  et de protéger son intégralité territoriale".

La France va mettre en place l'ébauche d'une démocratie avec : l'instauration des élections libres, réformer le système judiciaire, introduire le principe de la laïcité, mais la politique en vigueur allait avoir pour effet de favoriser les regroupements ethniques (Alaouites, Druzes, etc.) et aboutir à un découpage du territoire ne correspondant en rien aux réalités socioculturelles du terrain. Les historiens syriens reprochent toujours à la France la non ratification du Traité Vienot portant sur leur indépendance de 1936, et d'avoir cédé l'enclave d’Alexandrette (1939) aux Turcs en contrepartie de leur neutralité.

Le général Weygand nommé commandant de l'Armée du Levant, arrive à Beyrouth au mois d'août 39 avec pour mission de coordonner l'action des forces alliées sur les Balkans et l'Est méditerranéen, aire qui s'étend du Danube au Nil ! Le Groupement des Forces Mobiles du Levant compte deux brigades mixtes mal équipées et mal armées. La convention d'assistance passée avec la Turquie stipule la nécessité pour le corps expéditionnaire de protéger la région de Salonique, le 18 mai 40, Weygand est rappelé pour remplacer Gamelin. Le colonel de Larminat diffuse un tract invitant les troupes à ne pas accepter la défaite et à former un corps de volontaires qui rejoindra la Palestine afin de poursuivre le combat aux côtés des Britanniques. Les défections parmi l'Armée de Vichy seront suiviesde peu d'effet et le colonel frappé d'arrêt de forteresse. La lutte fratricide entre vichystes et gaullistes au Levant fera plusieurs centaines de morts et un millier de prisonniers.

Le conflit terminé, la France faisait admettre la Syrie et le Liban à l'ONU et commença à transférer la direction à des gouvernements locaux. Au mois de mai, des heurts éclatèrent avant de dégénérer en émeutes, la raison? la cession envisagée de bases navales et aériennes. Le bombardement de Damas par les Anglais fit plusieurs centaines de morts. Le 13 décembre, un accord entre la France et la Grande-Bretagne entraîna le regroupement des forces françaises au Liban et celui des Anglais en Syrie. Le 17 avril 1946 marquait le départ des Français après vingt-six années d"occupation au Levant et allait correspondre à la date de la fête nationale syrienne. Le départ des Français inquiétait au premier rang les populations chrétiennes du Liban, le gouvernement syrien ayant tôt fait d'ordonner la fermeture des écoles françaises, avant de se raviser au mois d'octobre.
La Syrie allait vivre une série de coups d'État. Le chef parti nationaliste au pouvoir, Khaled el Azem fut détrôné le 29 mars 49 par un putsch militaire, sans faire de victimes. L'armée, surtout après sa participation malheureuse en Palestine, était en perte de prestige. Le 14août, le colonel qui présidait aux destinées de la Syrie était assassiné par un militaire proche des partisans de la Grande Syrie. Le 19 décembre, voyait le retour de Khaled el Azem. la "valse" des sièges se poursuivie avec sept coups d'État en cinquante mois.

Le 10 juillet 1953, la Syrie se dotait d'une nouvelle constitution basée sur le régime présidentiel et une chambre des députés élue au suffrage universel. Le nouveau président était renversé le 25 février 1954 par un soulèvement militaire et n'eut droit d'alternative que l'exil. Le chef du parti nationaliste protesta contre la signature le 1° mars de l'accord avec l'Égypte ce qui eut pour effet de durcir les relations avec la Turquie. Les élections du 27 septembre et du 4 octobre 1955 évinçaient les conservateurs qui s'étaient montrés favorables au projet d'union syro-irakienne repoussé par la majorité des Syriens. Un nouvel accord fut conclu avec l'Égypte le 20 octobre 55 et Damas à l'exemple du Caire, négocia des traités commerciaux avec Moscou (23 novembre), Pékin (28 novembre), Bucarest (13 janvier 56). Lors de l'opération Mousquetaire de 56, c'est à dire le débarquement franco-anglais renforcé de l'armée israélienne en réponse à la nationalisation du canal de Suez par Nasser, Damas afficha sa solidarité en faisant saboter les pipe-lines de l'Irak Petroleum passant sur son territoire. Les Soviétiques, sous le prétexte d'apporter leur aide militaire et économique à l'Égypte, entendaient bien profiter de l'occasion pour mettre le pied dans la région et ne plus en repartir. La Syrie glissa dans l'orbite de Moscou et la pénétration russe dans la région allait s'affirmer de plus en plus. L'armée syrienne connut une véritable épuration et nombre d'officiers furent remplacés par des éléments pro-communistes.

Ces raccourcis géopolitiques nous éclairent sur la présence russe en Syrie qui entend bien y conserver sa base navale de Tartous située dans la région Alaouite, de se protéger de troubles dans les régions russes à majorité musulmanes. La décision du président François Hollande de faire procéder à des vols de reconnaissance suivis de frappes, n'accordant aucun crédit aux renseignements livrés par les Américains, sans toutefois vouloir servir les intérêts de Bachard al-Assad, semble ignorer les heurts violents des années quatre-vingt entre Alaouites (population minoritaires) et Sunnites, ces derniers espérant l'intervention de l'armée (conscription) à majorité sunnite pour chasser Assad. En 1979, soixante cadets Alaouites de l'Académie militaire étaient égorgés. L'ASL ou Armée syrienne de libération résulte de ce mouvement. Par ailleurs, la destruction du régime baasiste en Irak, ennemi juré de la Syrie et de l'Iran chiite n'a fait qu'amplifier les tensions régionales.

Au moment où les déserteurs syriens sont nombreux à se dissimuler parmi les réfugiés en route vers l'Europe, rappelons qu'un pays n'a jamais d'amis, seuls ses intérêts prévalent. L'amitié ne dure qu'un temps et le dicton ne nous dit pas s'il s'agit d'intérêts à court, moyen ou long terme... Fin septembre, le commandement des forces américaines au Moyen-Orient reconnaissait que des membres de l'ASL en cours d'instruction avaient remis 25% de leurs munitions et six pickups à al-Nosra en échange de leur passage... Le gouvernement américain semble n'avoir tiré aucun enseignement de ses combats contre ces peuplades. Les gouvernements américains successifs, responsables en partie de l'islamisation de l'Europe avec la complicité bienveillantes des gouvernements du vieux continent, semblent n'avoir tiré aucun enseignement de leurs combats contre ces peuplades. On en viendrait presque à regretter la doctrine de James Monroe : "Aux Européens le vieux continent, aux Américains le Nouveau Monde" de 1823.

La menace représentée par Daesh (al Nosra en Syrie) qui compte dans ses rangs de nombreux Irakiens, qui a fait de Raqqa la capitale du califat située à cheval entre la Syrie et l'Irak, étant jugée sérieuse, des hommes politiques des pays membres de la coalition, échaudés par les interventions en Irak et en Libye, déclarent qu'il revient aux pays de la région d'accompagner les frappes aériennes de la coalition par leurs troupes au sol, le président Vladimir Poutine proposant d'enterrer la "hache de guerre" et de monter une coalition élargie à l’armée d’Assad sans pour autant fumer ensemble le "calumet de la paix". Plutôt que de voir dans la situation un énième affrontement indirect de l'Occident contre la Russie, on peut y voir l'opportunité, pour l'Europe, de reprendre langue avec la Russie et pourquoi pas, faire un bout de chemin ensemble. Une chose semble certaine, ce n'est pas avec des frappes "chirurgicales" qu'on aboutira à un traitement curatif, pas même une rémission. Le mal a des métastases d'autant plus diffuses que l'on a tardé à l'enrayer dès l'apparition des premiers symptômes. Saura-t-on l'éradiquer définitivement ? Ironie de l'histoire, V.G d'Estaing propose "un mandat de l’ONU sur la Syrie, pour une durée de cinq ans (…) avec des forces militaires professionnelles venant des membres permanents du Conseil de sécurité". 

A SUIVRE

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