UNE NOUVELLE FORME DE CONFLIT MONDIAL ?
Le
Proche-Orient actuel représente une zone de tensions internationales
où un dangereux "cyclone" pourrait bien venir s'y former. L'unité
géographique du Proche-Orient est loin de se refléter dans une
unité politique, la démocratie cadrant mal avec les mentalités
arabes et islamiques. Si les Musulmans sont capables de s'unir, ce
n'est que momentanément. Ils représentent une mosaïque de peuples
divisés depuis des siècles par leur hérésie, et les États formés
n'ont acquis leur souveraineté que très récemment. Les révoltes
et les coups d'État militaires y ont remplacé nos crises
parlementaires. L'évolution progressiste fut surtout sensible en
Syrie, Liban, Égypte, Iran, Irak, pays dans lesquels l'ethnie arabe
n'est pas toujours majoritaire, divisée en Sunnites, Chiites,
Druzes, etc.
Le
25 juillet 1920, l’armée française titulaire d'un mandat de la
Société des Nations au Levant portant sur la Syrie et le Mont Liban
faisait son entrée à Damas et les Britanniques en
Palestine et en Irak (Mésopotamie), en application des accords
Sykes-Picot. Les troupes du général Gouraud ne rencontrèrent
qu'une faible résistance des troupes syriennes. La population fut
d'abord satisfaite d'être enfin débarrassée du joug
Ottoman et la mission était noble, la France était : "chargée
de mener la Syrie à l’autodétermination politique, c'est-à-dire
à l’indépendance dans les plus brefs délais et de protéger
son intégralité territoriale".
La
France va mettre en place l'ébauche d'une démocratie avec :
l'instauration des élections libres, réformer le système
judiciaire, introduire le principe de la laïcité, mais la politique
en vigueur allait avoir pour effet de favoriser les regroupements
ethniques (Alaouites, Druzes, etc.) et aboutir à un découpage du
territoire ne correspondant en rien aux réalités socioculturelles
du terrain. Les historiens syriens reprochent toujours à la France
la non ratification du Traité Vienot portant sur leur indépendance
de 1936, et d'avoir cédé l'enclave d’Alexandrette (1939) aux
Turcs en contrepartie de leur neutralité.
Le
général Weygand nommé commandant de l'Armée du Levant, arrive à
Beyrouth au mois d'août 39 avec pour mission de coordonner l'action
des forces alliées sur les Balkans et l'Est méditerranéen, aire
qui s'étend du Danube au Nil ! Le Groupement des Forces Mobiles du
Levant compte deux brigades mixtes mal équipées et mal armées. La
convention d'assistance passée avec la Turquie stipule la nécessité
pour le corps expéditionnaire de protéger la région de Salonique,
le 18 mai 40, Weygand est rappelé pour remplacer Gamelin. Le colonel
de Larminat diffuse un tract invitant les troupes à ne pas
accepter la défaite et à former un corps de volontaires qui
rejoindra la Palestine afin de poursuivre le combat aux
côtés des Britanniques. Les défections parmi l'Armée de
Vichy seront suiviesde peu d'effet et le colonel frappé d'arrêt
de forteresse. La lutte fratricide entre vichystes et gaullistes au
Levant fera plusieurs centaines de morts et un millier de
prisonniers.
Le
conflit terminé, la France faisait admettre la Syrie et le Liban à
l'ONU et commença à transférer la direction à des gouvernements
locaux. Au mois de mai, des heurts éclatèrent avant de dégénérer
en émeutes, la raison? la cession envisagée de bases navales et
aériennes. Le bombardement de Damas par les Anglais fit plusieurs
centaines de morts. Le 13 décembre, un accord entre la France et la
Grande-Bretagne entraîna le regroupement des forces
françaises au Liban et celui des Anglais en Syrie. Le 17 avril 1946
marquait le départ des Français après vingt-six années
d"occupation au Levant et allait correspondre à la date de la
fête nationale syrienne. Le départ des Français inquiétait au
premier rang les populations chrétiennes du Liban, le gouvernement
syrien ayant tôt fait d'ordonner la fermeture des écoles
françaises, avant de se raviser au mois d'octobre.
La
Syrie allait vivre une série de coups d'État. Le chef parti
nationaliste au pouvoir, Khaled el Azem fut détrôné le 29 mars 49
par un putsch militaire, sans faire de victimes. L'armée, surtout
après sa participation malheureuse en Palestine, était en perte de
prestige. Le 14août, le colonel qui présidait aux destinées de
la Syrie était assassiné par un militaire proche des partisans de
la Grande Syrie. Le 19 décembre, voyait le retour de Khaled el Azem.
la "valse" des sièges se poursuivie avec
sept coups d'État en cinquante mois.
Le
10 juillet 1953, la Syrie se dotait d'une nouvelle constitution basée
sur le régime présidentiel et une chambre des députés élue au
suffrage universel. Le nouveau président était renversé le 25
février 1954 par un soulèvement militaire et n'eut droit
d'alternative que l'exil. Le chef du parti nationaliste protesta
contre la signature le 1° mars de l'accord avec l'Égypte ce qui eut
pour effet de durcir les relations avec la Turquie. Les élections du
27 septembre et du 4 octobre 1955 évinçaient les conservateurs qui
s'étaient montrés favorables au projet d'union syro-irakienne
repoussé par la majorité des Syriens. Un nouvel accord fut conclu
avec l'Égypte le 20 octobre 55 et Damas à l'exemple du Caire,
négocia des traités commerciaux avec Moscou (23 novembre), Pékin
(28 novembre), Bucarest (13 janvier 56). Lors de l'opération
Mousquetaire de 56, c'est à dire le débarquement franco-anglais
renforcé de l'armée israélienne en réponse à la
nationalisation du canal de Suez par Nasser, Damas afficha sa
solidarité en faisant saboter les pipe-lines de l'Irak Petroleum
passant sur son territoire. Les Soviétiques, sous le prétexte
d'apporter leur aide militaire et économique à
l'Égypte, entendaient bien profiter de l'occasion pour
mettre le pied dans la région et ne plus en repartir. La Syrie
glissa dans l'orbite de Moscou et la pénétration russe dans la
région allait s'affirmer de plus en plus. L'armée
syrienne connut une véritable épuration et nombre
d'officiers furent remplacés par des éléments pro-communistes.
Ces
raccourcis géopolitiques nous éclairent sur la présence russe en
Syrie qui entend bien y conserver sa base navale de Tartous située
dans la région Alaouite, de se protéger de troubles dans les
régions russes à majorité musulmanes. La décision du président
François Hollande de faire procéder à des vols de reconnaissance
suivis de frappes, n'accordant aucun crédit aux renseignements
livrés par les Américains, sans toutefois vouloir servir les
intérêts de Bachard al-Assad, semble ignorer les heurts
violents des années quatre-vingt entre Alaouites (population
minoritaires) et Sunnites, ces derniers espérant l'intervention de
l'armée (conscription) à majorité sunnite pour chasser Assad. En
1979, soixante cadets Alaouites de l'Académie militaire étaient
égorgés. L'ASL ou Armée syrienne de libération résulte de ce
mouvement. Par ailleurs, la destruction du régime baasiste en
Irak, ennemi juré de la Syrie et de l'Iran chiite n'a fait
qu'amplifier les tensions régionales.
Au
moment où les déserteurs syriens sont nombreux à se dissimuler
parmi les réfugiés en route vers l'Europe, rappelons qu'un pays n'a
jamais d'amis, seuls ses intérêts prévalent. L'amitié ne dure
qu'un temps et le dicton ne nous dit pas s'il s'agit d'intérêts à
court, moyen ou long terme... Fin septembre, le commandement des
forces américaines au Moyen-Orient reconnaissait que des membres de
l'ASL en cours d'instruction avaient remis 25% de leurs munitions et
six pickups à al-Nosra en échange de leur passage... Le
gouvernement américain semble n'avoir tiré aucun enseignement de
ses combats contre ces peuplades. Les gouvernements américains
successifs, responsables en partie de l'islamisation de l'Europe avec
la complicité bienveillantes des gouvernements du vieux continent,
semblent n'avoir tiré aucun enseignement de leurs combats contre ces
peuplades. On en viendrait presque à regretter la doctrine de James
Monroe : "Aux Européens le vieux continent, aux Américains
le Nouveau Monde" de 1823.
La
menace représentée par Daesh (al Nosra en Syrie) qui compte dans
ses rangs de nombreux Irakiens, qui a fait de Raqqa la capitale du
califat située à cheval entre la Syrie et l'Irak, étant jugée
sérieuse, des hommes politiques des pays membres de la coalition,
échaudés par les interventions en Irak et en Libye, déclarent
qu'il revient aux pays de la région d'accompagner les frappes
aériennes de la coalition par leurs troupes au sol, le président
Vladimir Poutine proposant d'enterrer la "hache de
guerre" et de monter une coalition élargie à
l’armée d’Assad sans pour autant fumer ensemble le "calumet
de la paix". Plutôt que de voir dans la situation un
énième affrontement indirect de l'Occident contre la Russie, on
peut y voir l'opportunité, pour l'Europe, de reprendre langue avec
la Russie et pourquoi pas, faire un bout de chemin ensemble. Une
chose semble certaine, ce n'est pas avec des frappes "chirurgicales"
qu'on aboutira à un traitement curatif, pas même une rémission. Le
mal a des métastases d'autant plus diffuses que l'on a tardé à
l'enrayer dès l'apparition des premiers symptômes. Saura-t-on
l'éradiquer définitivement ? Ironie de l'histoire, V.G d'Estaing
propose "un mandat de l’ONU sur la Syrie, pour une
durée de cinq ans (…) avec des forces militaires professionnelles
venant des membres permanents du Conseil de sécurité".
A
SUIVRE
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