DE LA PERSE À L'IRAN
Le
1° décembre 1943, Churchill, Roosevelt et Staline s'engageaient à
respecter l'indépendance ainsi que l'intégrité territoriale de
l'Iran occupée depuis avril 41 par les troupes britanniques et
soviétiques, dans le but d'assurer la protection de leurs
transports. Le 16 novembre 45, une insurrection armée éclatait en
Azerbaïdjan et le 12 décembre, un gouvernement communiste était
constitué. Le chef de gouvernement déclara son intention d'étendre
le régime à toutes les démocraties populaires et à l'Iran. Les
Américains renforcèrent aussitôt leurs effectifs afin de faire
échec aux ambitions de l'URSS qui avait déjà fomenté une
rébellion contre Téhéran. L'occupation de l'Azerbaïdjan, pays
situé aux marches de l'Irak et de l'Inde, représentait pour Moscou
une place prééminente au Proche-Orient. Les Soviétiques firent
savoir que leurs unités militaires resteraient stationnées en
Azerbaïdjan et au Kurdistan Iranien jusqu'au retour au calme. Le
président Truman décidé à ne pas s'en laisser compter adressa un
ultimatum à l'URSS lui enjoignant de quitter le territoire Perse
sans délai. Le 8 mai, les troupes soviétiques se retiraient et
trois mois plus tard, l'Iran signait avec les États-Unis un traité
d'assistance militaire. Le 5 février 49, le parti communiste (le
Toudeh) était interdit en réponse à une tentative d'attentat
contre le Shah.
Le
31 août 1907, les Anglais et les Russes se partageaient la
Perse. La convention anglo-russe divisait la Perse en deux zones
d'influence séparée par une zone neutre. Pendant la Première
mondiale, la Perse devint un champ de bataille pour les Anglais, les
Russes, les Turcs, et l'Anglo-Persian Oil Company devint une ? d'une
importance vitale. Au sortir de la guerre, la Perse se trouva plongée
dans le chaos, ses caisses étaient vides et la famine sévissait. Le
Congrès des communistes musulmans, Moscou 1919, estima que la Perse
était la plus apte à voir l'expansion des partis communistes
locaux. Le 4 juin 1920, la République socialiste soviétique de
Gilan était proclamée et avec elle la création du Parti communiste
de Perse. L'aventure ne dura qu'une seule année. Les Soviétiques
émirent l'idée que la Perse n'était pas préparée pour une
"révolution bourgeoise." La Perse était passée d'une
société islamique à une monarchie constitutionnelle en 1906, mais
c'est par un coup d'État (21 février 1921) portant le Shah Reza
Pahlavi sur le trône, que la Perse traditionnelle muta en l'Iran
moderne.
Le
Shah désireux de libérer l'Iran de toutes les influences
économiques étrangères se tourna vers les États-Unis pour lancer
un programme de modernisation. Les pays occidentaux étaient surtout
haïs en raison des capitulations, privilèges d'extraterritorialité
accordés aux étrangers résidant en Iran. La capitulation abolie le
10 mai 1928, de nouveaux traités furent conclus avec : l'Autriche,
la Belgique, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, les Pays-bas,
la Suède, la Tchécoslovaquie. L'Iran en profita pour revendiquer
l'île de Bahreïn alors protectorat anglais... L'année précédente,
l'URSS avait annulé tous les traités conclus par le Tsar et
supprimé les dettes contractées par la Perse. Parmi les réformes
qu'apporta le régime du Shah : l'instruction & des cours du soir
pour adultes inspirés des écoles européennes, le système
juridique fut soustrait à l'autorité religieuse au bénéfice des
juridictions civiles et laïques. Ces mesures allaient entraîner une
mutation et un bouleversement de la société.
L'URSS
conservait la main mise sur l'Iran qui était obligé de lui vendre
ses matières premières avant de les lui racheter sous forme de
produits transformés ou de les échanger contre d'autres
marchandises. Dans les années trente, le commerce de l'Iran réservé
à l'URSS représentait un tiers des échanges. En 1938, le Shah
ordonna l'interruption de ces échanges et se tourna vers
l'Allemagne, puissance qui n'était jamais intervenue dans les
affaires perses.. Cette dernière mit à disposition son
assistance technique dans quasiment tous les secteurs industriels
iraniens. Lufthansa inaugura la liaison Berlin-Bagdad-Téhéran. Le
25 août 1941, les armées britanniques et soviétiques
envahirent l'Iran et prirent le contrôle du chemin de fer
transiranien. Le Shah abdiqua au profit de son fils au mois de
septembre. Les alliés conclurent le Traité d'alliance tripartite le
29 janvier 42 au terme duquel ils s'engageaient à se retirer dans
les six mois après la fin des hostilités. Le 15 décembre 45, la
révolte kurde éclatait, poussée par l'URSS. En 47, les États-Unis
s'engagèrent à assurer l'indépendance iranienne (doctrine Truman).
Le
ciel commença par s'assombrir à partir de l'année 1951 avec la
nationalisation du pétrole iranien et l'éviction de l'Anglo-Iranian
Oil Company (AIOC), les plus grandes raffineries au monde, installées
à Abadan sur le golfe persique. Des grèves et l'agitation
nationaliste contraignirent le gouvernement à proclamer l'état de
siège dans l'État du Khouzistan. Le président du conseil, le
général Razmara, fit remarquer que l'Iran ne disposait pas des
moyens techniques suffisants pour exploiter lui même les régions
pétrolifères. Le 7 mars, il était assassiné par un membre des
"frères de l'islam". Le 10 juin, le leader du parti
nationaliste, le Dr Mossadegh qui avait succédé au général
Razmara, faisait hisser le drapeau iranien sur le siège social de
l'AIOC situé à Khoramshan. Le 3 octobre, les Anglais qui avaient
refusé à l'unanimité de travailler sous les ordres de la nouvelle
entité, quittaient la zone sans incident. L'Iran exigea la fermeture
de tous les consulats sous prétexte qu'en outrepassant leurs
compétences, ils intervenaient dans les affaires intérieures
iraniennes. Le 16 octobre, le Dr Mossadegh rompait les relations
diplomatiques avec la Grande-Bretagne.
Au
mois de juillet, le mollah Kashani souleva la foule contre Mossadegh
en soutien au Shah Reza Pahlevi. Mossadegh évincé, se rapprocha du
parti communiste iranien avant d'être arrêté le 19 août par
l'armée et condamné à 3 ans d'emprisonnement. La Grande-Bretagne
et l'Iran rétablirent leurs relations diplomatiques. L'exploitation
pétrolière fut accordée pour une durée de 25 ans à un Consortium
constitué des sociétés : anglo-iranian (40%), Shell (14%), cinq
compagnies américaines (40%) et la Compagnie française des pétroles
(6%). L'Iran redoutant une ingérence soviétique, se rallia au camp
occidental et adhéra le 11 octobre 1955 au Pacte de Bagdad.
La
société iranienne se transforma profondément, une élite
occidentalisée apparut et l'industrialisation vida les
campagnes. L'exode rural provoqua, misère et chômage et le
mécontentement ne pouvait, en raison de la censure, s'exprimer
librement. La grogne se répandit dans les mosquées, parmi les
doléances exprimées, le départ du Shah, véritable aubaine pour un
certain ayotollah Khomeyni qui aspirait à l'établissement d'une
République islamique, et la mise au "rancard" de la
laïcisation et de l'occidentalisation du pays. Le Shah opta pour la
répression afin de prévenir toute nouvelle insurrection populaire,
et procéda à une forte militarisation. En 1978, les soldats
refusèrent de tirer sur la population qui manifestait. Le Shah privé
du soutien de son armée, s'enfuit aux États-Unis. La République
islamique fut proclamée le 1° avril 79. Au mois de novembre, les
"étudiants de la révolution" envahissaient l'ambassade
des États-Unis à Téhéran, suivie de la crise des otages qui ne
prendra fin qu'en janvier 1981. Le Shah considéré comme le fantoche
des États-Unis était décédé et le nouveau président Ronald
Reagan avait promis de débloquer les avoirs iraniens
gelés. L'argent n'a ni morale ni d'amis.
A SUIVRE
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